« Toi, mon troupeau, voici que je vais juger entre brebis et brebis » (Ez 34, 11-12.15-17)
Lecture du livre du prophète Ézékiel
Ainsi parle le Seigneur Dieu :
Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles.
Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis,
et j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées.
C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer – oracle du Seigneur Dieu.
La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai.
Celle qui est blessée, je la panserai.
Celle qui est malade, je lui rendrai des forces.
Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit.
Et toi, mon troupeau – ainsi parle le Seigneur Dieu -, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs.
Chers frères et sœurs en Christ,
Au moment où commencent à poindre des lueurs d’espoir sur le front de la lutte contre la pandémie, notre année liturgique se termine.
Bientôt en Avent, nous ne serions pas fâchés de nous projeter dans d’autres perspectives et nous piaffons d’impatience de pouvoir retrouver une vie familiale, professionnelle, amicale, associative, sportive, communautaire, normale.Avec des contacts réels, avec des embrassades, des poignées de mains, des relations qui ne soient pas obscurcies par la crainte et le doute.
Nous avons hâte de laisser derrière nous les drames que cause cette pandémie et les textes que la liturgie nous donne aujourd’hui viennent à point nommé pour nous aider, les pieds bien plantés dans notre vie présente, à porter notre regard plus loin. Cette fête du Christ, Roi de l’univers, esquisse l’horizon vers lequel nous avançons tous.
Dans un contexte aussi difficile que celui que nous traversons et qui frappe tant de personnes proches et lointaines, dans leur vie, dans leur santé, dans leur situation économique et sociale, dans leurs conditions de travail et leurs moyens de subsistance, il est bon de nous rappeler que nous sommes la richesse de Dieu, que c’est avec notre humanité qu’il veut se révéler et qu’il compte sur nous pour agir comme Lui.
Nous sommes la richesse de Dieu.« C’est moi qui ferai paitre mon troupeau et c’est moi qui le ferai reposer »
La première lecture et le psaume empruntent les mêmes images des relations étroites qu’entretiennent le berger et son troupeau. Nous avons aujourd’hui une vision un peu péjorative des troupeaux de moutons ou de brebis mais, au temps de la Bible, le troupeau était souvent la seule richesse. Affirmer que Dieu lui-même fera paître son troupeau, c’est affirmer que ce troupeau, son peuple, est sa richesse et qu’il ne l’abandonnera jamais.
Ezéchiel va plus loin, Dieu lui-même saura partir à la recherche des brebis égarées, il soutiendra les plus faibles.
Dans ses paraboles du Bon Berger, Jésus reprendra les mêmes images en se les appliquant. Face aux épreuves de l’exil, de la dispersion, de la perte du Temple, le prophète affermit la foi de son peuple et lui promet le soutien de Dieu et l’assure de son attention pour les plus faibles.
Dieu veut se révéler dans notre humanité
Car la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection. C’est au cœur de notre humanité que le Christ est venu.« Il n’y a que ce qui est assumé qui est sauvé » disaient les premiers pères de l’Eglise. Le salut offert par Dieu dans le Christ porte bien sûr sur la vie au-delà de la mort mais aussi sur l’épanouissement complet de notre vie dès maintenant. Salut ne signifie pas simplement sauvetage mais réalisation.
Le Christ roi de l’univers annonce autant la fin des temps que leur sens, la finalité des temps : ce à quoi nous sommes appelés.
Paul oppose souvent la vie selon la chair, comme Adam, et la vie selon l’Esprit comme le Christ. Le refus de l’homme Adam d’entrer dans le projet de Dieu a fait venir la mort non pas la mort physique mais la mort spirituelle : son refus a coupé la relation avec Dieu. La totale obéissance du Christ, pleinement homme et son adhésion au projet de Dieu de nouer cette alliance avec l’homme, a ouvert le chemin de la résurrection.
Lors des eucharisties, le diacre en versant de l’eau dans le calice dit « comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité ». C’est tout le sens de cette fête du Christ Roi.
Il compte sur nous pour agir comme Lui
« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait »
Jésus prononce ces paroles avant sa Passion. Ce texte du jugement dernier récapitule comment le Christ lui-même s’est rendu présent : il a nourri les foules, il a donné l’eau vive à la Samaritaine, il a accueilli la Cananéenne, il a couvert le possédé du pays des Géraséniens, il a guéri les malades, il a libéré Lazare de la prison de la mort.
Les œuvres de charité énumérées par Jésus sont les gestes même de Dieu. Les accomplir à notre tour est la manière de faire comme Lui et, comme Lui, d’honorer la dignité fondamentale de tout homme créé à l’image de Dieu car le Christ, s’est identifié au plus petit, au plus rejeté.
Nos actes nous engagent, l’attention ou l’indifférence que nous avons à l’égard des plus petits révèle ou contredit notre entrée dans la dynamique de vie et d’amour que Dieu veut, par le Christ et avec nous, offrir à l’humanité toute entière.Il faut reconnaître que nous oscillons constamment entre la vie comme le Christ et la vie comme Adam. Nous sommes tantôt ceux qui prennent soin des autres et tantôt ceux qui les ignorent. Le jugement dont parle Matthieu est aussi, au jour le jour, la confrontation exigeante avec le Christ quand il vient se révéler à nous souvent caché dans les autres.
Au temps du prophète Ezéchiel, le peuple d’Israël avait perdu le Temple. Les sacrifices et le culte ne pouvaient plus se tenir. Aujourd’hui, les consignes sanitaires ne nous permettent pas de nous rassembler. De même que nos ainés dans la foi ont su trouver dans la Parole de Dieu une autre manière de le célébrer, sachons inventer les moyens de rendre à Dieu un culte en Esprit et en vérité et sachons reconnaître la présence réelle du Christ parmi nous dans le « sacrement du frère ».Amen.
Préparée par des enfants et des catéchistes en ce dimanche en ce dimanche où Florine, Susanne, Esteban, Cécile et Rose auraient dû célébrer leur première communion
• Seigneur, nous te prions pour les enfants qui n’ont pas pu faire leur première communion alors qu’ils s’étaient préparés dans leur cœur à te recevoir. En attendant que cela soit possible, aide-les à rester malgré tout joyeux !
• Seigneur, nous te prions pour toutes les victimes de maladie et les personnes en danger à cause du corona virus. Aide-les à ne pas perdre espoir !
• Seigneur, nous te prions pour que nous sachions accueillir l’amour que tu veux pour nous. Apprends-nous à aimer et aide-nous à te reconnaître en tous ceux qui sont dans le besoin et que tu mets sur nos chemins.
• Seigneur, regarde ton Eglise : nous te prions pour que ton amour l’aide à devenir vraiment ta maison, une maison ouverte à tous comme nous le demande notre Pape, François.
Extrait de l’encyclique du Pape François « Fratelli tutti » (Tous frères) Chapitre 2 : Un étranger sur le chemin (56-86)
56. Tout ce que j’ai évoqué dans le chapitre précédent est plus qu’une description froide de la réalité, car « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur ». [53] À la recherche d’une lumière au milieu de ce que nous vivons, et avant de présenter quelques pistes d’action, je propose de consacrer un chapitre à une parabole racontée par Jésus-Christ il y a deux mille ans. Car, bien que cette lettre s’adresse à toutes les personnes de bonne volonté, quelles que soient leurs convictions religieuses, la parabole se présente de telle manière que chacun d’entre nous peut se laisser interpeller par elle.
« Et voici qu’un légiste se leva, et dit à Jésus pour l’éprouver : ‘‘Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?’’ Il lui dit : ‘‘Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Comment lis-tu ?’’ Celui-ci répondit : ‘‘Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit ; et ton prochain comme toi-même’’ ‘‘Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela et tu vivras’’. Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : ‘‘Et qui est mon prochain ?’’ Jésus reprit : ‘‘Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à demi mort. Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là ; il le vit et passa outre. Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit et passa outre. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l’hôtelier, en disant : Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai, moi, à mon retour. Lequel de ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ?’’ Il dit : ‘‘Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui.’’ Et Jésus lui dit : ‘‘Va, et toi aussi, fais de même.’’ (Lc 10, 25-37). (…)
L’abandonné (63-68)
63. Jésus raconte qu’il y avait un homme blessé, gisant sur le chemin, agressé. Plusieurs sont passés près de lui mais ont fui, ils ne se sont pas arrêtés. C’étaient des personnes occupant des fonctions importantes dans la société, qui n’avaient pas dans leur cœur l’amour du bien commun. Elles n’ont pas été capables de perdre quelques minutes pour assister le blessé ou du moins pour lui chercher de l’aide. Quelqu’un d’autre s’est arrêté, lui a fait le don de la proximité, a personnellement pris soin de lui, a également payé de sa poche et s’est occupé de lui. Surtout, il lui a donné quelque chose que, dans ce monde angoissé, nous thésaurisons tant : il lui a donné son temps. Il avait sûrement ses plans pour meubler cette journée selon ses besoins, ses engagements ou ses souhaits. Mais il a pu tout mettre de côté à la vue du blessé et, sans le connaître, il a trouvé qu’il méritait qu’il lui consacre son temps. 64. À qui t’identifies-tu ? Cette question est crue, directe et capitale. Parmi ces personnes à qui ressembles-tu ? Nous devons reconnaître la tentation, qui nous guette, de nous désintéresser des autres, surtout des plus faibles. Disons-le, nous avons progressé sur plusieurs plans, mais nous sommes analphabètes en ce qui concerne l’accompagnement, l’assistance et le soutien aux plus fragiles et aux plus faibles de nos sociétés développées. Nous sommes habitués à regarder ailleurs, à passer outre, à ignorer les situations jusqu’à ce qu’elles nous touchent directement.
65. Une personne est agressée dans la rue et beaucoup s’enfuient comme s’ils n’avaient rien vu. Souvent, des gens au volant d’une voiture percutent quelqu’un et s’enfuient. L’unique chose qui leur importe, c’est d’éviter des problèmes ; ils se soucient peu de ce qu’un être humain meure par leur faute. Mais ce sont des signes d’un mode de vie répandu qui se manifeste de diverses manières, peut-être plus subtiles. De plus, comme nous sommes tous fort obnubilés par nos propres besoins, voir quelqu’un souffrir nous dérange, nous perturbe, parce que nous ne voulons pas perdre notre temps à régler les problèmes d’autrui. Ce sont les symptômes d’une société qui est malade, parce qu’elle cherche à se construire en tournant le dos à la souffrance.
66. Mieux vaut ne pas tomber dans cette misère. Regardons le modèle du bon Samaritain. C’est un texte qui nous invite à raviver notre vocation de citoyens de nos pays respectifs et du monde entier, bâtisseurs d’un nouveau lien social. C’est un appel toujours nouveau, même s’il se présente comme la loi fondamentale de notre être : que la société poursuive la promotion du bien commun et, à partir de cet objectif, reconstruise inlassablement son ordonnancement politique et social, son réseau de relations, son projet humain. Par ses gestes, le bon Samaritain a montré que « notre existence à tous est profondément liée à celle des autres : la vie n’est pas un temps qui s’écoule, mais un temps de rencontre ». [57]
67. Cette parabole est une icône éclairante, capable de mettre en évidence l’option de base que nous devons faire pour reconstruire ce monde qui nous fait mal. Face à tant de douleur, face à tant de blessures, la seule issue, c’est d’être comme le bon Samaritain. Toute autre option conduit soit aux côtés des brigands, soit aux côtés de ceux qui passent outre sans compatir avec la souffrance du blessé gisant sur le chemin. La parabole nous montre par quelles initiatives une communauté peut être reconstruite grâce à des hommes et des femmes qui s’approprient la fragilité des autres, qui ne permettent pas qu’émerge une société d’exclusion mais qui se font proches et relèvent puis réhabilitent celui qui est à terre, pour que le bien soit commun. En même temps, la parabole nous met en garde contre certaines attitudes de ceux qui ne se soucient que d’eux-mêmes et ne prennent pas en charge les exigences incontournables de la réalité humaine.
68. Le récit, disons-le clairement, n’offre pas un enseignement sur des idéaux abstraits, ni ne peut être réduit à une leçon de morale éthico-sociale. Il nous révèle une caractéristique essentielle de l’être humain, si souvent oubliée : nous avons été créés pour une plénitude qui n’est atteinte que dans l’amour. Vivre dans l’indifférence face à la douleur n’est pas une option possible ; nous ne pouvons laisser personne rester ‘‘en marge de la vie’’. Cela devrait nous indigner au point de nous faire perdre la sérénité, parce que nous aurions été perturbés par la souffrance humaine. C’est cela la dignité !
Curé
Diacre permanent