Tous les ans le 1er novembre nous relisons et méditons les Béatitudes à l’occasion de la fête de tous les saints. À chaque fois, je me demande si vraiment je suis de ces « » dont font partie ceux qui sont pauvres de cœur, doux, affamés de justice, purs, artisans de paix, persécutés pour la justice, miséricordieux.
Tous les ans le 1er novembre nous relisons et méditons les Béatitudes à l’occasion de la fête de tous les saints. À chaque fois, je me demande si vraiment je suis de ces « » dont font partie ceux qui sont pauvres de cœur, doux, affamés de justice, purs, artisans de paix, persécutés pour la justice, miséricordieux.
Comment aujourd’hui dans l’actualité qui est la nôtre, parler de miséricordieux et de miséricorde ?
Miséricorde vient du latin misereri, avoir pitié, et cordis, cœur. Il ne s’agit pas ici d’une pitié purement émotive déclenchée à la vue d’une misère, non cette pitié-là c’est une attitude qui vient de notre « œur profond » au sens biblique, c’est-à-dire la zone la plus profonde de notre être, le lieu en nous où Dieu habite et agit. Elle nous remue jusqu’aux entrailles, c’est une compassion pour la souffrance physique ou morale de l’autre, une attention bienveillante gratuite qui aide la personne blessée à se mettre debout.
Aie pitié de nous !
Alors, heureux sont-ils ces deux aveugles qui demandent à Jésus d’avoir pitié d’eux en Mt 9, 27 ; heureuse la Cananéenne qui demande à Jésus sa pitié pour la guérison de sa fille en Mt 15, 22 ; heureux sommes-nous quand nous disons « prends pitié de nous » lors de la prière pénitentielle !sont là des cris du cœur qui ne le laissent pas indifférent et qui attirent sa miséricorde, sa compassion, des cris qui l’émeuvent jusqu’au plus profond de lui. Dieu est miséricorde nous a-ton appris, mais cette miséricorde n’est pas que divine puisque Jésus nous dit « heureux les miséricordieux », heureux ceux qui comme moi peuvent être émus jusqu’aux entrailles devant la misère et la pauvreté, devant l’injustice, devant des enfants bafoués, violés et abîmés par ceux qui devraient appliquer la miséricorde en fidélité à une Parole qu’ils ne manquent pas d’enseigner. La miséricorde est aussi humaine !
Où est-elle la miséricorde divine quand de telles horreurs se produisent près de nous ? De même qu’Élie Wiesel répondant à la question « où donc est Dieu ? » à la longue file passant devant le corps supplicié d’un enfant dans un camp, leur dit « il est pendu ici sur cette potence », je pense avec Erwan le Morhédec (La Vie n° 3970) que Jésus aujourd’hui est là sur cette croix avec chacun des enfants martyrisés par ces nouveaux grands prêtres et par le peuple.
Comment parler de miséricorde à ceux à qui on a fait croire qu’une miséricorde dévoyée et manipulatrice pouvait venir de Dieu ? Comment parler de la Parole vivante de l’Évangile à ceux qui ont vécu la mort d’une enfance salie ? Je reste sans voix et je pleure…
Me sentirai-je un peu plus miséricordieux en méditant ce magnifique texte le 1er novembre ? Ferai-je partie avec ma peine et ma révolte des « heureux » des Béatitudes ? L’idée me vient de prendre en exemple ces saintes et saints canonisés ou non fêtés ce jour, les connus mais aussi celles et ceux de nos familles et amis sur la tombe de qui nous irons nous recueillir. Ils n’ont pas manqué d’être à leur façon des pauvres de cœur, des gens qui ont pleuré, des doux, des affamés et assoiffés de justice, des miséricordieux, des cœurs purs, des artisans de paix, des persécutés pour la justice ! Et si je les considère comme saints c’est parce qu’ils ont su dans leur vie de tous les jours, avoir sur leurs proches le regard de Dieu qui n’est qu’amour et miséricorde, et celui de Jésus dans l’Évangile, même souvent sans le savoir. Oui, je sais que c’est de ce regard-là qu’il me faut apprendre à regarder pour devenir miséricordieuse et témoigner malgré tout du message d’espérance d’un Royaume d’amour qui nous attend.