Évoquant le besoin de retrouvailles après ce temps de jeûne que nous nous sommes imposé pour respecter gestes barrières et restrictions sanitaires, notre réflexion s’en est allée vers le thème de la rencontre et de l’accueil. À travers chacune et chacun de nous, s’entendait le désir de retrouver parents et amis autour d’un bon repas dont l’eau, et bien plus que l’eau… nous venait déjà à la bouche ! S’entendait aussi le besoin d’accueillir et d’être accueilli « en grand », sans couvre-feu, sans distanciation, sans masque, avec une prodigalité digne du vin de Cana ou du Festin de Babette [1], ! Bref comme une libération après un temps de réclusion ou une guérison après l’épreuve de la maladie.
André Frossard s’il était toujours de ce monde me pardonnerait de le parodier, et Dieu, qui lui est toujours vivant, se retrouvera bien j’en suis sûre, dans ce « il » ! C’est en effet le titre du livre de Frossard Dieu existe, je l’ai rencontré [2], qui me vient à l’esprit en abordant le thème de la rencontre, parce que rencontrer l’autre c’est non seulement le faire exister, mais c’est aussi exister par lui. Qui peut vivre sans rencontres ? Tandis que certains philosophes en parlent comme d’un mystère, d’autres la conçoivent comme une aventure.
Il est vrai que si certaines rencontres nous marquent plus que d’autres, il y a toujours à travers elles comme un goût d’aventure et de mystère. Rencontrer d’autres vies que la notre nous révèle à nous-mêmes et nous ouvre des horizons sur la personne rencontrée, mais aussi sur nous ! « Exister » vient du latin existere « sortir de », « se manifester, se montrer. » Exister c’est être vivant, c’est avoir une réalité, une présence : « Je sais par elle que je suis vivant » disait un lépreux en parlant de sa femme qui venait chaque matin lui faire cadeau de son sourire par dessus le mur de la léproserie : miracle de la rencontre !
J’aurais bien aimé évoquer ici une rencontre personnelle, mais nombre de caractères oblige, je vais me limiter à un souvenir du début de ce siècle où j’ai voulu marquer de manière originale le passage à l’An 2000 au moment des échanges de vœux. Me remémorant les personnes qui avaient marqué ma vie à travers une rencontre orientant un choix ou une prise de conscience, j’ai eu envie de le leur écrire et de les remercier de m’avoir donné un jour souvent sans le savoir, le goût de vivre et de chanter mais aussi d’exister tout simplement.
Cet été nous allons croiser beaucoup de monde, allons-nous pour autant les rencontrer ? Peut-être pas, mais nous pourrons les accueillir comme savent le faire les équipes préposées à l’accueil dans les églises pour distribuer en même temps que leur sourire, gel hydroalcoolique et feuilles de chants. C’est un rôle capital et un repère pastoral important parce que la porte d’une église est un symbole riche de sens ! N’est-ce pas en en franchissant le seuil qu’on accède au lieu où se vit le mystère pascal qui invite à la rencontre avec le Christ ressuscité ? Passer la porte c’est déjà vivre un « passage », une pâque » : « Je suis la porte » dit Jésus en Jn 10, 9.
Alors, puisque j’ai ici la possibilité de m’exprimer et que ma page se termine, je voudrais leur dire combien ce nouveau ministère de « portier » qui a disparu des ordres dits mineurs depuis 1975 leur paraît approprié, et le bonheur que j’ai de trouver à la porte de l’église des personnes aimables, souriantes et avenantes. Avec le célébrant et les diacres dont le ministère particulier est celui « du seuil », je les verrais bien monter jusqu’à l’autel dans la procession d’entrée pour y porter les intentions de ceux qu’ils ont accueillis.