Pendant plus de deux mois de confinement forcé, la question du jeûne eucharistique a fait couler beaucoup d’encre. En ce mois de juin où nous célébrons la « Fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ », le moment me semble bienvenu pour en parler.
Plutôt que de jeûne eucharistique, mieux vaudrait parler de jeûne d’eucharistie ou de manque, le jeûne eucharistique consistant à s’abstenir de nourriture avant de communier. Lors du discours de clôture de la troisième session du Concile Vatican Il par le Pape Paul VI, en novembre 1964, il a été ramené à une heure. Depuis 1957 il était de trois heures et avant cette date il commençait à minuit.
Jeûner est un acte volontaire, alors que manquer naît d’une incapacité ou d’un vide qui crée un besoin. À l’heure où j’écris, ce manque est toujours présent pour l’assemblée que nous formons quand nous nous réunissons à |’appel de Celui qui nous rassemble. Je reste pour ma part, assez dubitative devant les messes célébrées sans assemblée, même si, comme la plupart d’entre nous je regarde la messe à la télévision le dimanche. Un écran ne remplace pas une assemblée qui devient elle aussi corps du Christ dans la liturgie eucharistique et nous ne sommes pas des êtres virtuels !
Les Actes des apôtres que nous lisons durant le temps pascal, nous disent que si les premières communautés partageaient le pain et le vin comme l’avait demandé Jésus : quote>Faites ceci en mémoire de moi, elles avaient d’autres façons de vivre cette communion au Christ, notamment par le partage et la diffusion de sa Parole, par l’accueil et le service, par l’attention au plus petit. L’évangile de Jean que nous lisons aussi en ces temps, ne rapporte pas le récit de la Cène, mais celui du lavement des pieds : C’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez comme j’ai fait.
Je ne pense pas être en désaccord avec la théologie de l’Eucharistie si je pense que ces deux commandements de Jésus sont semblables. Et si dans le premier, la mémoire de la Cène se fait sous le signe du sacrement par le prêtre, il n’y a pas besoin de rituel ni de liturgie pour réaliser le second, il suffit de se mettre en tenue de service !
La messe est « la source et le sommet de la vie chrétienne », mais être privé de messe comme nous le sommes ne nous prive pas du Christ ! En 1923, le jésuite Teilhard de Chardin dans son magnifique texte La Messe sur le monde, écrivait : « « l’autel est la terre entière, I’offertoire “le travail et la peine du monde”, la patène porte la moisson de l’effort, le calice la sève des “fruits broyés” ».
Aujourd’hui, le manque eucharistique crée un désir de Dieu qui se manifeste autrement et particulièrement dans l’écoute de sa Parole. Si nous ne pouvons recevoir le Corps du Christ dans l’hostie, nous pouvons le recevoir dans sa Parole qu’il nous donne à méditer à travers les textes de la liturgie chaque jour l J’apprécie particulièrement « le commentaire du jour# » sur le site de la paroisse, qui permet à ceux qui le souhaitent, de partager leur méditation du jour.
Qu’en sera-t-il de notre vie sociale et ecclésiale ? Pour Tomas Halik prêtre et théologien tchèque, ce que nous vivons serait le signe qu’un autre chapitre de l’histoire du christianisme arnve à son terme et qu’il est temps de se préparer pour un nouveau. Il est en cela en accord avec le pape François qui parle lui aussi de réformes nécessaires dans l’Église, non pas pour un retour en arrière qui n’existe plus, mais pour un retour au cœur de l’Évangile.
Beaucoup d’entre nous ont découvert une nouvelle manière de vivre leur foi en prenant conscience que la vie intérieure est un chemin de conversion et de rencontre avec Dieu. De nouvelles formes de vie communautaire ont été inventées, des femmes et des hommes se sont pris en mains. Adultes dans la foi sans restriction de genre, ils se sont engagés auprès des malades et des personnes seules dans une attitude et un langage accessible à tous.
Mais en attendant « l’après », il nous faut vivre « le présent » qui nous y prépare. Un présent comme jamais nous n’en avons vécu pour un après qui sera de toute façon différent. Alors si nos commentaires vont bon train, il faut croire que nous ne sommes pas seuls sur le chemin du pays d’Après.
Mais au fait… De quoi parliez-vous tout en marchant ?
(Lc 24, 17)