En ces temps moroses de virus et de tempêtes en tout genres, comment parler de Pâques fête de la joie et de la résurrection du Christ sur laquelle les chrétiens fondent leur foi ? Une réponse me vient à nouveau du quotidien.
C’est avec la même joie toujours renouvelée, que j’ai retrouvé lors d’un repas, une amie de lycée avec laquelle me reste le souvenir de nombreux fous rires. À la fin de cet excellent repas, la convivialité aidant, mon amie s’est mise à raconter quelques histoires comme elle seule sait le faire, dans notre langue maternelle aux tournures trégoroises intraduisibles et si drôles. Très vite le rire s’est emparé des convives et a laissé place à un sentiment de joie qui pour moi était de l’ordre de la joie de Pâques : le rire pascal existerait-il ?
Mon moteur de recherche préféré me dit que oui ; Cette tradition oubliée de raconter des histoires drôles à Pâques vient du Moyen-Âge. Le rire symbolise la joie de la résurrection, la Bonne Nouvelle libératrice de la victoire sur la mort.
Mon intuition était donc bonne !
Je lis cependant avec regret, que dès le 18e siècle, l’Église catholique l’interdit.
Les évangélistes montrent Jésus pleurant, mangeant, buvant, dormant, priant, mais jamais riant. J’ai pourtant du mal à imaginer Jésus comme un triste sire ! Si c’était vrai, aurait-il été invité à la noce à Cana avec sa joyeuse bande ? (Jn 2, 1-12). Pourquoi l’aurait-on accusé d’être un ivrogne et un glouton
? (Mt 11, 18-19). Et puis s’il était si ennuyeux, comment se fait-il qu’une telle foule le suivait et l’écoutait avec plaisir
? (Mc 12, 37).
Les évangiles ne nous racontent que ce qui dans les trois dernières années de sa vie a conforté la foi de ses disciples. Trois années pendant lesquelles ces derniers ont connu une grande hostilité à son égard jusqu’à sa mise à mort, on ne peut pas dire que cela prêtait à rire !
Comment ne pas entendre avec celui de Jésus, l’éclat de rire des jeunes mariés de Cana et de toute la noce, en découvrant le bon vin ? Comment ne pas sauter de joie dans un bon éclat de rire avec le paralytique et son grabat ? Avec la femme adultère regardant partir ses accusateurs tous penauds ? Avec l’aveugle guéri, avec Lazare et ses sœurs, avec Jaïre et sa fille revenue à la vie ? Miracles, signes du mystère pascal et du passage de la mort à la vie.
Après la Résurrection, comment ne pas éclater de joie et de rire avec les femmes qui découvrent les premières que Jésus est vivant et courent annoncer la Bonne Nouvelle. avec les disciples d’Emmaüs qui, reconnaissant Jésus. explosent de bonheur et ne peuvent qu’aller annoncer leur joie aux autres ! Ils ne l’ont pas fait en pleurant l
Rire libère des tensions et les apaise, redonne de l’énergie, tisse ou retisse des liens d’amitié. Un rire vrai. Un rire de joie, est communicatif. En écrivant, me résonne encore à l’oreille, l’éclat de rire cristallin et si contagieux de l’enfant éclaboussé par les vagues sur la plage, ou chatouillé par quelques petits crabes aussi facétieux que lui : souvenir estival qui tout en m’apportant un peu de soleil, me remplit d’une joie qui, d’éclat de rire qu’elle était, devient plus profonde et plus intérieure. N’est-ce pas là l’essence même de la joie pascale liée à la Résurrection du Christ vainqueur de la mort ? : Maintenant je vais à toi, Père, et je dis ces paroles dans le monde, pour qui/s aient en eux ma joie dans sa plénitude
(Jn 17, 13).
Et si on vivait ce temps pascal que l’Église des premiers siècles appelait la cinquantaine joyeuse
, comme un grand éclat de rire communicatif, contagieux et libérateur, qui jaillit spontanément, un rire pascal tout simplement ! Celui de la convivialité, de la fraternité et de la solidarité, celui de savoir dans la joie et l’espérance, que nous aussi nous pouvons comme des petits enfants, faire rire Dieu !