Karem Bustica, rédactrice en chef de Prions en Église, titre son éditorial du dernier hors-série : « Un Carême pour tisser des liens ». Comment être artisans de ce tissage alors que la pandémie avec laquelle nous vivons depuis deux ans, freine la convivialité, ce « vivre ensemble » indispensable à nos vies ?
Les contacts humains, les repas de fête, de famille et entre amis, les rencontres autour d’un café, les soirées où on refait le monde, les visites, les moments de partages et de rires, les apéritifs, les marques de tendresse, autant de moments précieux dont nous sommes désormais privés en ne nous risquant plus à convier ou à répondre à une invitation : « Que sont mes amis devenus ? » La complainte de Rutebœuf si bien chantée par Léo Ferré et Joan Baez résonne en moi tandis que j’écris. Leur absence nous fait réaliser combien ils nous manquent, et la souffrance de devoir annuler ou reporter sans arrêt une rencontre prévue creuse en nous un mal-être souvent difficile à vivre. ll n’y a pas à dire, la convivialité reste ce qui mesure le mieux la santé de nos relations ! Des sentiments bien d’actualité tandis que mars pointe le bout de son nez, et avec lui inévitablement le Carême. Eh oui ! c’est « comme mars en Carême », une réalité qui ne change pas quand se fait entendre le cri vibrant de l’évangile : Changez l
La prise de conscience du manque de l’autre dans ma vie alors que sa rencontre me paraissait tellement évidente et acquise, me ramène en cette période propice à la réflexion, à la distance que je peux prendre parfois avec Dieu : Entraîne-t-elle aussi un manque pour moi ?
Pourtant, pas besoin de Skype ni de Zoom avec lui ! ll est là en présentiel dans ma vie : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je prendrai un repas avec lui et lui avec moi » (Ap 3, 20). Ouvrir la porte de mon cœur, écouter, changer mon cœur et ma façon d’être, privilégier avec lui la relation simple suggérée par l’évangile, dans un confiance d’enfant et un lâcher-prise. Si ce terme est à la mode aujourd’hui pour parler d’abandon à Dieu, il est avant tout un acte qui me permet de sortir de mes habitudes et m’apprend à ne plus tout maîtriser, à m’ouvrir à la nouveauté, à la découverte des autres, de moi, à l’inattendu de Dieu.
« Tout est lié » : « Le sentiment d’union intime avec les autres êtres de la nature ne peut pas être réel si,en même temps, il n’y a pas dans le cœur de la tendresse, de la compassion et de la préoccupation pour les autres êtres humains » (Laudato Si’ 91, 2015) : creuser en moi ces désirs et favoriser le tissage des liens, c’est vivre l’aumône.
« C’est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur » (Os 2, 16). En hébreu le mot « désert » ressemble au mot « parole ». Silence, écoute, cœur à cœur d’une relation intime avec Dieu : creuser en moi le désir de la rencontre, c’est vivre la prière.
« L’homme ne vit pas seulement de pain ».. ›› (Dt 8, 3). Me laisser bousculer par l’Esprit qui me conduit au désert pour me libérer et me retrouver en consentant à lâcher-prise, quitter des habitudes qui m’emprisonnent : creuser en moi le désir de changer et de me convertir, c’est vivre le jeûne.
Une réflexion synodale sur la synodalité de L’Église nous est proposée. Il y a dans ce « marcher ensemble ››, une démarche conviviale. Le but du Synode n’est pas, dit le Pape François, de produire des documents, mais de « faire germer des rêves, susciter des prophéties et des visions, faire fleurir des espérances, stimuler la confiance, bander les blessures, tisser des relations, ressusciter une aube d’espérance, apprendre l’un de l’autre, et créer un imaginaire positif qui illumine les esprits, réchauffe les cœurs. » Un beau chemin de Carême sur la route de Pâques !
C’est en toute convivialité, ce que je vous souhaite.