Érigé entre 5000 et 2000 av JC, le menhir de Saint-Uzec a été christianisé lors d’une mission prêchée à Pleumeur-Bodou en 1674 par le Père Maunoir, un jésuite appelé « Tad mad ».
C’était la veille de Pessah. Il nous a lavé les pieds et puis on a mangé.
Il nous a passé le pain et la coupe de vin, pas comme les autres fois.
« Prenez et mangez, ceci est mon corps ; prenez et buvez, ceci est mon sang.
Faites ceci en mémoire de moi. L’Agneau de Dieu immolé, aujourd’hui c’est moi.
Il est temps, partons ! Gethsémani, c’est un bel endroit pour veiller et pour prier .
Pierre, Jacques et Jean, venez !
Et toi Judas, où t’en vas-tu seul dans la nuit ? »
J’aime à penser qu’en ce Vendredi Saint de l’année 1674, un Jésuite missionnaire s’adressait ainsi, dans leur langue, aux Bretons de chez nous. La mission touchait à sa fin, ils étaient tous réunis entre le bourg de Pleumeur-Bodou et la plage de Kerivon, pour écouter le Père Maunoir, le « Tad mad » (Bon Père).
Là sur un menhir dressé depuis des millénaires, il a fait sculpter sur le monument de la paganisation, les instruments de la Passion de Jésus. Il faut bien leur faire comprendre à tous ces braves gens, illettrés pour la plupart, comment le Christ a souffert pour eux ; on sait bien qu’une image parle mieux que des mots ! Les carriers d’à côté mettront leur art et leur ciseau au service de la communauté.
Un jardin, Jésus, la nuit… Il faut une lanterne pour l’y trouver. C’est Judas son ami qui l’a trahi ; en échange, il a gagné trente deniers, on va les aligner sous la tenaille et le marteau qui vont servir à planter les trois clous disposés juste en dessous.
Jean le Luron écoute, il prie et se demande si dans dix générations on se souviendra encore de ce qui se passe ici…
Tad Mad parle, il est Pilate : Je suis innocent, je m’en lave les mains.
le carrier sculpte une cruche et à côté la main : la main de Pilate ou celle qui a giflé Jésus ? Oui, parce qu’il a été, giflé, battu, fouetté comme on dit chez nous. Le bâton et les fouets disent la violence du procès.
Tu peux aussi faire une épée ? Celle que que Pierre a utilisé pour couper l’oreille du soldat. Dessine-la près de la lanterne. Ah Pierre, un brave et un peureux à la fois ! : Çui-là il est bien comme nous, vat !
Une épée mais un coq aussi, pour lui rappeler au matin qu’il a renié son ami trois fois pendant la nuit. Il l’ont crucifié, il agonise, il appelle…
Et puis il dit : j’ai soif
; un soldat lui tend une éponge imbibée d’un vin aigre au bout d’une lance, un vin censé désaltérer. Le carrier sculpte le roseau portant l’éponge et tout à côté la lance : S’étant approchés de Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes ; mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l’ eau
. (Jn 19, 33)
Jésus est mort sur la croix…
L’échelle est prête, on va le descendre : il ne doit pas rester là, c’est le Sabbat. Que faire de sa belle tunique ? Si on la jouait aux dés ? Plaçons-les près des deniers. Les femmes ne l’ont pas abandonné, elles sont au pied de la croix, bien visibles tout en haut. Celle qui est à genoux, est-ce Marie sa maman ? Elle se tenait pourtant debout ! Et dessous, un visage imprimé sur un voile, celui de Véronique, la femme qui a eu pitié. Jean le Luron est ébahi… avec les dessins il a tout compris, même la tête de mort et les os croisés sculptés tout en bas par le carrier quand Tad mad a dit que Jésus était descendu aux enfers pour chercher Adam, le premier des morts et des vivants. Il a entraîné tous les autres, ceux qui attendaient ce « troisième jour » où Jésus ressuscité les a tous tirés vers la Vie ! Jean le Luron est ébahi… la lune et le soleil de part et d’autre de la femme ! Mais oui, c’est ça Pâques ! Le passage de la nuit au jour, des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie !
Il y eut un soir, il y eut un matin… :
NB : Les mots écrits en caractère gras sont les instruments de la Passion gravés sur le menhir.