Dans son message de Noël, le Pape François s’est livré à un tour du monde des ténèbres qui l’habitent, pour y appeler la lumière du Christ petite flamme allumée dans l’obscurité et dans le froid de la nuit.
Ta nuit sera lumière, c’est le thème retenu pour ce bulletin de février alors qu’au cœur de l’hiver les jours commencent à allonger et laissent présager du printemps. Il fait écho à celui du Dimanche de la Santé célébré le 9 février, dans lequel tous les textes parlent de lumière.
Le thème de la lumière emplit la Bible de la première parole de Dieu dans la Genèse, Que la lumière soit
(Gn 1, 3), à la dernière vision de l’Apocalypse, où dans la Jérusalem céleste il n’y aura plus de nuit, nul n’aura besoin de la lumière du flambeau ni de la lumière du soleil, car le Seigneur Dieu répandra sur eux sa lumière.
(Ap 22, 5). Les annonces du Messie utilisent abondamment ce registre, c’est la figure du Christ, lumière pour la révélation aux païens
(Lc 2, 32), et l’évangile de Jean, en fait son thème phare.
Dans ce jeu d’ombres et de lumière, une figure apparaît souvent, et sans doute n’est-ce pas un hasard, celle de l’aveugle. En Jean au chapitre 9, alors que Jésus vient de dire qu’il est « la lumière du monde », l’aveugle guéri après son « baptême » dans la piscine de Siloé, reconnaît en lui le Fils de Dieu. À travers lui nous est montrée la victoire du Christ arrachant l’homme aux ténèbres et le faisant entrer dans la lumière de Dieu : c’est cela le Salut ! L’Évangile de l’aveugle-né, proclamé le 4e dimanche de Carême, permet aux catéchumènes de rencontrer le Christ lumière. Dans l’Église ancienne le baptême était appelé « illumination ».
La liturgie est aussi riche de ce symbole : lors des baptêmes et des funérailles, le cierge pascal est allumé comme signe du Christ lumière qui par sa résurrection a vaincu les forces des ténèbres. Par le baptême nous aussi nous revêtons le Christ et à notre tour nous devenons lumière. Le baptême est le sacrement de la lumière : « Autrefois vous étiez ténèbres, écrit saint Paul, mais à présent vous êtes lumière » (Eph 5, 8).
Comme dans la Bible, l’histoire humaine est marquée par ce conflit permanent entre lumière et ténèbres. La littérature, la peinture et la musique en sont remplis : C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière
clame le Chanteclerc d’Edmond Rostand (Ac 2, sc. 3).
Deux génies de la peinture que sont le Caravage et Rembrandt jouent admirablement avec le clair-obscur. En musique, la lune par son mystère de lumière dans la nuit, offre aux compositeurs une source de création infinie. Elle a inspiré entre autres, Beethoven, Debussy, Schubert, Dvorak, Fauré.
Mais « nuit et lumière » n’est-ce pas aussi le parcours de nos vies ? N’est-ce pas l’image de notre personnalité ? Le yin et le yang, le noir et le blanc, la tristesse et la joie, le sommeil et le réveil, la marée basse et la marée haute, un quartier nommé « Kerdu [1] » dans un village du beau nom de « la Clarté » ! C’est dans ce quartier que j’ai grandi, un quartier qui portait mal son nom tant la lumière y brillait par la générosité, la convivialité et la bienveillance de ses habitants.
L’enfance ainsi nous marque et nous façonne, on ne s’en défait sans doute pas, elle nous poursuit, on s’en souvient. Je veux croire qu’à un âge avancé on y puise encore des ressources l En tout cas être de Kerdu en la Clarté m’a souvent aidée à comprendre de manière symbolique, que la nuit peut être source de lumière et que lorsqu’il fait sombre et froid, la vie, la chaleur et l’amitié peuvent ne pas être loin.