Malgré cela nous rêvons de reconstruire ce paradis perdu. Pourtant la vraie condition humaine c’est le désert, la manne.
Le transhumanisme pense introduire une « singularité » dans l’histoire de l’humanité comme Jésus-Christ a pu en introduire une. Le transhumanisme est une démarche très élitiste et individualiste, aboutissant à une sorte de peuple élu. Le peuple juif de la Bible est aussi un peuple « élu », mais ce peuple élu n’oublie pas les autres et souhaite qu’il participe à son élection. Est-ce le cas du transhumanisme ? La question se pose, pour l’instant on ne voit pas trop de rapport avec une attitude évangélique.
Le transhumanisme apporte une transgression dans l’humanité en franchissant des frontières jusque là fermées et considérées comme sacrées. Or certaines frontières sont faites pour être franchies et c’est pour cela qu’elles sont sacrées : le Grand Prêtre entrait une fois par an dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem et cette transgression était sacrée, donc très préparée. De même les femmes qui mettaient au monde un enfant touchaient au sacré par cette naissance et elle devaient être « purifiées », comme la « vaisselle liturgique » après l’eucharistie. Notons que cette purification a perdu son sens positif originel pour devenir quelque chose proche de l’impureté !
Que devient le prochain dans le transhumanisme ? Dans la parabole du bon Samaritain, le prochain est-il le Samaritain, l’homme blessé ? Quel est le statut du corps dans le transhumanisme ? Si le transhumanisme a des projets d’avenir, avons-nous, nous aussi des projets d’avenir ? Est-ce que j’aime la Création telle qu’elle sera ? On rejoint là une des idées de Laudato Si’ par rapport à la nature et à la Création.
En fait les transhumanistes ont une image de l’homme futur, qui n’a pas grand-chose à voir avec l’homme réel, celui de l’évolution, que les chrétiens disent avoir été créés à l’image de Dieu. Or la création est toujours en cours, elle continue à avoir lieu, et Dieu continue à agir avec ce que nous sommes. L’idée d’un renouvellement de l’homme dans le christianisme est plutôt celle de la résurrection plutôt qu’un « homme nouveau » fabriqué. Finalement rien de ce qui est humain n’est étranger à la théologie.
Pendant le débat qui a duré longtemps et répondant à une question, Jacques Arnould, grand lecteur du jésuite Pierre Teilhard de Chardin, pense que cet auteur permet de poser des repères contre le transhumanisme. Si celui-ci a utilisé le terme de transhumanisme dans un de ses ouvrages, c’est comme comme un aboutissement de l’humanité dans son histoire vers l’unification dans la Création de Dieu (le point Oméga)[4].