Paroisse de la Bonne Nouvelle

Culture et Foi 2021

Propos et documents recueillis par Philippe Giron

Sommaire

Le programme 2021 - 13ème année de Culture et foi

Quand l’homme se prend pour Dieu

30 juillet 2021

Jacques Arnould docteur en théologie et en histoire des sciences, expert éthique au Centre National d’Études Spatiales, est parti d’une question : Que devient le prochain dans le transhumanisme ? Il n’a pas grand-chose à voir avec l’homme réel, celui de l’évolution, créé à l’image de Dieu. Jacques Arnould, grand lecteur de Teilhard de Chardin conseille sa lecture pour partager sa vision de l’humanité qui va plutôt vers une unification dans la Création plutôt que de créer des humanités artificielles.

Depuis l’origine l’homme est tiraillé entre deux tendances : celle du changement, de la progression et celle du conservatisme, de la protection. Ces deux tendances se retrouvent dans la problématique de la relation entre la foi et la raison.

Le transhumanisme est le désir de changer l’être humain. Non pas simplement le guérir comme quand nous sommes malades mais de dépasser les limites de l’humanité telles qu’elles existent actuellement. Le transhumanisme, c’est « l’homme augmenté ».

L’immortalité qui en est un aboutissement est un vieux rêve de l’humanité, comme le mythe mésopotamien de Gilgamesh et sa quête d’immortalité, Pic de la Mirandole, à la Renaissance, qui appelle l’homme à « sculpter sa propre statue ».

 

Depuis l’origine l’homme est tiraillé entre deux tendances : celle du changement, de la progression et celle du conservatisme, de la protection. Ces deux tendances se retrouvent dans la problématique de la relation entre la foi et la raison.

Le transhumanisme est le désir de changer l’être humain. Non pas simplement le guérir comme quand nous sommes malades mais de dépasser les limites de l’humanité telles qu’elles existent actuellement. Le transhumanisme, c’est « l’homme augmenté ».

L’immortalité qui en est un aboutissement est un vieux rêve de l’humanité, comme le mythe mésopotamien de Gilgamesh et sa quête d’immortalité, Pic de la Mirandole, à la Renaissance, qui appelle l’homme à « sculpter sa propre statue ».

Le russe Constantin Tsiolkovski est favorable à l’accroissement continu de la puissance technologique et à l’expansion de l’humanité à travers le cosmos, permettant ainsi à l’existence humaine d’accéder à un bien-être encore jamais atteint, et à l’univers de parvenir à l’unité ultime. Il parle même de ressusciter les morts grâce à la science. Pour lui l’espace est la solution de la probable surpopulation et il est un des précurseur de la recherche spatiale soviétique à l’époque.

Le mot « transhumanisme » est créé par le Français Jean Coutrot en 1937. Jean Coutrot connaît l’écrivain Aldous Huxley (auteur du Le meilleur des mondes). Mais selon une autre théorie, c’est le frère de ce dernier, le biologiste Julian Huxley, qui invente le mot « transhumanisme » à partir de 1957 pour désigner l’idée d’amélioration des performances humaines.

Un informaticien américain souhaite une humanité transhumaine, ce qui pose le problème de ceux et celles qui ne seront pas transhumains !

Les scientifiques actuels comme Jean-Michel Besnier [1] ou Thierry Magnin (il est aussi prêtre) sont très sceptiques sur le transhumanisme.

Théologie

La théologie c’est dire Dieu dans le monde, c’est « comment dire Dieu aujourd’hui ? » Le transhumanisme interroge la théologie sur l’homme, sa puissance par rapport à lui-même et par rapport à Dieu. Symbole de puissance, avec un simple

Smartphone, on a la possibilité de dépasser en connaissances toutes les générations précédentes qui n’y avaient pas accès, mais le transhumanisme suppose que ce soit l’être humaine lui-même qui soit dépassé sans l’aide d’un objet extérieur. On peut aussi aller virtuellement partout dans le monde à chaque instant. L’homme est devenu puissant et omniprésent.

Quelle est la place de Dieu là-dedans ? Jusqu’à peu il était le bouche-trou de notre ignorance. En 1600 Giordano Bruno a été brûlé pour avoir affirmé qu’il pouvait y avoir d’autres mondes habités. En fait nous nous sommes créés un Dieu limité par notre petite réflexion humaine et notre environnement.

Regardons la Bible. Les transhumanistes partagent la naïveté d’Adam et Ève au Paradis, ils vivent dans un monde idyllique, leur monde futur sera idyllique. Or l’Homme reste homme et le malheur peut s’en est suivi. Pourtant Dieu n’est pas intervenu, il a bien chassé Adam et Ève du Parais terrestre mais sans plus, nos ancêtres en humanité sont retournés à la terre d’où ils sont nés[2]. Nous, humains, sommes responsables et ne comptons pas sur une intervention divine : dans la parabole de Lazare et du riche, « Abraham répondit : “S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.”[3] »

Malgré cela nous rêvons de reconstruire ce paradis perdu. Pourtant la vraie condition humaine c’est le désert, la manne.

Le transhumanisme pense introduire une « singularité » dans l’histoire de l’humanité comme Jésus-Christ a pu en introduire une. Le transhumanisme est une démarche très élitiste et individualiste, aboutissant à une sorte de peuple élu. Le peuple juif de la Bible est aussi un peuple « élu », mais ce peuple élu n’oublie pas les autres et souhaite qu’il participe à son élection. Est-ce le cas du transhumanisme ? La question se pose, pour l’instant on ne voit pas trop de rapport avec une attitude évangélique.

Le transhumanisme apporte une transgression dans l’humanité en franchissant des frontières jusque là fermées et considérées comme sacrées. Or certaines frontières sont faites pour être franchies et c’est pour cela qu’elles sont sacrées : le Grand Prêtre entrait une fois par an dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem et cette transgression était sacrée, donc très préparée. De même les femmes qui mettaient au monde un enfant touchaient au sacré par cette naissance et elle devaient être « purifiées », comme la « vaisselle liturgique » après l’eucharistie. Notons que cette purification a perdu son sens positif originel pour devenir quelque chose proche de l’impureté !

Que devient le prochain dans le transhumanisme ? Dans la parabole du bon Samaritain, le prochain est-il le Samaritain, l’homme blessé ? Quel est le statut du corps dans le transhumanisme ? Si le transhumanisme a des projets d’avenir, avons-nous, nous aussi des projets d’avenir ? Est-ce que j’aime la Création telle qu’elle sera ? On rejoint là une des idées de Laudato Si’ par rapport à la nature et à la Création.

En fait les transhumanistes ont une image de l’homme futur, qui n’a pas grand-chose à voir avec l’homme réel, celui de l’évolution, que les chrétiens disent avoir été créés à l’image de Dieu. Or la création est toujours en cours, elle continue à avoir lieu, et Dieu continue à agir avec ce que nous sommes. L’idée d’un renouvellement de l’homme dans le christianisme est plutôt celle de la résurrection plutôt qu’un « homme nouveau » fabriqué. Finalement rien de ce qui est humain n’est étranger à la théologie.

Pendant le débat qui a duré longtemps et répondant à une question, Jacques Arnould, grand lecteur du jésuite Pierre Teilhard de Chardin, pense que cet auteur permet de poser des repères contre le transhumanisme. Si celui-ci a utilisé le terme de transhumanisme dans un de ses ouvrages, c’est comme comme un aboutissement de l’humanité dans son histoire vers l’unification dans la Création de Dieu (le point Oméga)[4].

Son dernier livre :
Quand les hommes se prennent pour Dieu
Jacques Arnould
Salvador, 2020.

[2Gn 2, 7.(Retour)

[3Lc 16, 31.(Retour)

[4Deux références parmi d’autres : La Place de l’homme dans la nature, Le phénomène humain

Qu’est-ce que la synodalité ?

3 août 2021

Logo Synodalité

Dans la 2e conférence, Nathalie Becquart, religieuse xavière, sous-secrétaire du secrétariat du synode des évêques et première femme à ce haut poste au Vatican a défendu avec fougue et passion son sujet dans la perspective du Synode sur le sujet de la synodalité en 2023. Il s’agira de réfléchir à une nouvelle façon de vivre en Église en abandonnant un cléricalisme désuet qui décourage beaucoup de bonnes volontés. Du travail en perspective, et la mise à contribution des diocèses dès octobre de cette année !

 

Présentation de la synodalité – 3 août 2021
Format PDF

 

Fichier powerpoint  à télécharger :

synodalite_tre_beurden_3_aou_t_2021

La foi de mes pères : ce qui restera de la chrétienté bretonne

12 août 2021

Pierre-Yves Le Priol, morbihannais et ancien journaliste à La Croix, a présenté l’évolution du catholicisme breton depuis la foi vécue par son père, une foi paroissiale qui englobait toute la vie jusqu’à nos jours.

Son étude porte sur des rencontres qu’il a fait en parcourant la Bretagne, surtout la Basse-Bretagne, la partie bretonnante. Dans les Côtes d’Armor il a visité quelques lieux comme la Vallée des Saints ou l’Abbaye de Bocquen. Il avait même participé à la clôture de notre Synode diocésain le 4 juin 2017. Loin d’une vision nostalgique, et issu du catholicisme social, il a essayé de montrer comment la foi qui structurait la vie paroissiale est passée en une cinquantaine d’annéee d’une emprise majoritaire à un réseau assez diffus. Son père était agriculteur de Baud (56), militant JAC et CMR À un moment il s’est dit « Qu’est-ce que mon père m’a laissé de son époque ? Que s’est-il passé les 50 dernières années ? ». S’en est suivi ce tour en Bretagne, riche en rencontres et en observations.

Une carte des années 50 montre que le christianisme est très fort en Bretagne, dans l’est de la France et le bas du Massif Central. La Bretagne n’a pas été évangélisée par les courants latins partis de Rome mais par les Bretons d’alors de la Grande-Bretagne actuelle, chassés par les Angles et les saxons qui envahissaient leur pays au 6e siècle, ce qui a donné assez tôt un christianisme particulier avec des rites propres aux Celtes. Du coup le christianisme n’a pas nécessairement sui la même évolution que dans le reste de la France.

L’Histoire a marqué la région et a eu un impact sur le christianisme, comme la chouannerie. Après l’épisode de la Révolution Française, un nouvel essor religieux a vu apparaître une floraison de congrégation pour s’occuper des malades, de l’instruction des filles, choses qui n’étaient pas bien prises en charge par l’État de l’époque.

La fin du XIX et le début du XXe siècle c’est la séparation de l’Église et de l’État et le cantique célèbre Da feiz hon tadoù kozh date de cette époque. Dans la première moitié du XXe siècle, la civilisation paroissiale restait très vive, peu de personnes n’allaient pas à la messe dans les villages, le recteur était tout puissant. Peut-on parler d’emprise ? Les pardons étaient très suivis – ils le sont toujours pour la plupart – et le Sanctuaire de Ste-Anne d’Auray voyait chaque année des centaines de milliers de pèlerins. C’était un autre monde et les contestataires étaient pu nombreux, les chose s allaient de soi.

Pour l’auteur le « décrochage » a eu lieu vers 1965. Il n’y a pas de rapport avec Mai-68, plus tardif, ni avec le Concile de Vatican II qui avait été plutôt bien reçu. Il s’est agit plutôt de l’arrivée à l’âge adulte des baby-boomers, ces jeunes nés juste après la guerre, qui ont été confrontés à de grands changements : la prise d’autonomie de la jeunesse (avec les musiques rock, pop…), la prise de conscience des deux guerres mondiales queleurs parents et grands-parents ont vécus, la décolonisation avec des tragédies comme la guerre d’Algérie. En Bretagne la crise de l’Abbaye de Boquen a laissé des traces.Et les églises, agrandies à la fin du XXe siècle – au détriment d’églises plus petites mais souvent plus belles – sont presque vides.

Un nouveau monde se levait avec un refus d’une autorité non consentie venue d’en haut. Toute la société et les institutions ont pris la vague de front avec des dégâts plus ou moins nombreux. La pratique dominicale actuelle est d’environ 2, 5%, peut-être un peu plus en Bretagne. Un renouveau est-il possible ? Quelques signes parmi d’autres : la foule immense lors de la venue à St-Anne d’Auray en 1996, le succès du Tro Breizh et celui inattendu de la Vallée des Saints. Ces signes sont visibles depuis le début des années 2000. Qu’en sera-t-il à l’avenir ?

L’auteur aime à citer Charles Péguy : « Ce que nous pouvons dire parce que nous le voyons, parce que nous n’avons qu’à le voir, c’est que nos constances, c’est que nos fidélités, c’est que nos créances ont une certain nouvelle beauté propre, une certaine valeur, une certaine nouvelle grandeur propre. Comme inventée pour nous. Comme créées pour ce monde moderne […] Plus que jamais elles sont des fois qui tiennent bon. »

Le livre :
La foi de mes pères
Ce qui restera de la chrétienté bretonne
Pierre-Yves Le Priol
Salvator, 2018

L’archipel catholique - Les clivages dans le monde catholique français

17 août 2021

Vincent Soulage est agrégé d’histoire et doctorant à l’École Pratique des Hautes Études. Sa présentation reprend une étude menée par Bayard en 2016 en y apportant des compléments. À partir du XIXe siècle, bousculée par la démocratisation des peuples et l’industrialisation, l’Église catholique s’est rigidifiée jusqu’au Concile Vatican II, époque où, alors monolithique, elle s’est transformée en un archipel de sept courants qui correspondent à des attitudes face au monde, courants partagés entre la modernité et la tradition, et entre la réduction à un cadre privé face à l’affirmation identitaire.

Une des premières phrases de son exposé est celle-ci : « La réalité de l’Église n’est pas pyramidale mais est un archipel d’îlots qui communiquent entre eux. ». C’est le résultat d’un étude qu’il a mené à partir d’une enquête de Bayard de 2016.

Le XIXe siècle a vu une évolution de l’Église inédite, liée à la modernité qui avait deux causes : d’une part la montée de la démocratie (Les révolutions de 1848) et l’industrialisation ; alors le monde catholique était jusque monarchique et très rural. Le grand changement se fera avec le Concile Vatican II. La mentalité change lentement : ce n’est qu’en 1972 que la pluralité politique est officiellement admise dans l’Église catholique [1], même si elle était implicitement admise depuis l’apparition de l’Action catholique entre les deux guerres. Deux mentalités semblent se faire face : l’une intransigeante et repliée sur un certain passé, l’autre libérale et tournée vers l’avenir.

Un archipel

En fait la situation est plus compliquée du fait qu’on ne plus seulement compter les « messalisants [2]. » pour juger qui est « bon chrétien » ou pas : l’enquête Bayard montre que si un peu plus de 50% des français se disent catholiques, les pratiquant ne dépassent pas les 2 à 3%.

L’auteur peut dégager sept familles que l’on peut classer sur un graphique avec deux axes :

  • un premier axe modernité-tradition
  • un deuxième affirmation-réduction mesurant la propension à affirmer d’un côté le tout de la doctrine intégrale de l’Église et de l’autre l’attention aux « signes des temps [3] » chers à Vatican II.

Ces îlots peuvent être définis schématiquement ainsi (les courants intégristes, finalement peu nombreux, ne sont pas pris en compte) :

  • Les « observants » (7%), de tendance classique,plus benoît XVI que Pape François ;
  • Les « inspirés » (4%), tendance charismatique ;
  • Les « conciliaires » (14%), vieillissants ;
  • Les « émancipés » (4%), qui trouvent que l’Église n’évolue pas assez vite,
  • Les « saisonniers fraternels » (26%), qui voient l’Église avec sympathie, aiment bien les grandes figures comme l’abbé Pierre ou le Pape François mais ne pratiquent sauf éventuellement pour les grandes occasions ;
  • Les « festifs culturels » (45%) qui ne pratiquent pas beaucoup non plus mais sont attachés à une culture chrétienne plutôt axée sur le passé. Cette dernière tendance est la plus sensible aux idées du Rassemblement national..

Les défis pour aujourd’hui

L’auteur voit quatre grands défis à relever pour les temps qui viennent :

  • L’exculturation  : la culture catholique devient minoritaire et a tendance à s’exprimer en dehors de la société actuelle.
  • Les religions pèlerines : si le succès des pèlerinages ne se dément pas, les catholiques sont de moins en moins attachés à une paroisse n’hésitent pas à changer de lieux.
  • La crise de la figure du prêtre : les scandales récents et la montée de la réflexion sur la place des femmes.
  • La fin de la messe, notion qui est apparue surtout avec la pandémie : beaucoup de catholiques sont aperçus que manquer la messe ne les préoccupaient pas plus que cela.

En conclusion : l’épuisement du modèle paroissial

Il y a trois enjeux pour l’avenir :

  • Permettre de nouvelles modalités d’appartenance
  • Réflexion autour d’une « Église liquide »
  • Risque des pratiques affinitaires = continuer à permettre la rencontre
Notes

[1Pour une pratique chrétienne de la politique, Assemblée plénière de l’épiscopat français, 28 octobre 1972.

[2Ceux et celles qui « vont à la messe »

[3Gaudium et Spes 4.

La présentation intégrale au format PDF

Un livre pour aller plus loin :

Qui sont les cathos aujourd’hui ?
Yann Raison du Cléziou
Desclée De Brouwer, Collection Confrontations,
Septembre 2014