Paroisse de la Bonne Nouvelle

Eclairage – 01/01/2022 – Bloavezh mat !

« Bloavezh mat souhetan deoc’h, yec’hed ha prosperite ha baradoz fin ho puhez ! »› C’est ainsi que chez nous dans le Trégor, nous allions avec entrain présenter nos vœux de bonne année en passant dans les maisons de nos familles et de nos voisins plus âgés que nous, le jour du 1er janvier : « Je vous souhaite une bonne année, santé et prospérité et le paradis à la fin de votre vie ! »

La journée du premier janvier consacrée à ces déplacements faisait partie de notre manière de vivre et de bien vivre ensemble. Elle m’amène à rejoindre en cette période d’échanges de vœux, le thème du bulletin consacré à l’éducation à la fraternité parce que ce jour-là où nos parents nous apprenaient à aller vers les autres, fait partie d’une éducation à la fraternité qui m’a marquée. Rencontrer, aller vers l’autre, n’est-ce pas le sens même de « éduquer » ? du latin educere « conduire hors de ». Nous ne savions pas à l’époque que le 1er janvier deviendrait un jour « Journée mondiale de la paix » et qu’un pape en 2014 annoncerait que « La fraternité est fondement et route pour la paix ».

Vivre la fraternité c’est aller à la rencontre de l’autre, du différent de moi, en un mot, du prochain.Tiens ? « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »… Marc 12, 31 et Matthieu 22, 39 arrivent à point nommé pour m’éloigner des discussions savantes et théoriques dont on nous abreuve trop souvent sur une fraternité anthropologique, sociologique, symbolique, spirituelle ou autre…

Vivre la fraternité c’est partager simplement la vie de tous les jours. Le mois de janvier de mon enfance était consacré à recevoir et à être reçus. C’était cela nos veillées, nos joies des soirées où nous écoutions et entendions se transmettre la tradition tout en découvrant des projets annoncés pour le quartier ou la famille, notre humanité commune tout simplement. C’est ainsi que nous avons développé l’attention à l’autre, au nouveau venu, au plus fragile, en créant des liens. Dans ces moments, plus de murs ni de cloisons, plus de solitude ni de préjugés, plus de différence culturelle, sociale ou religieuse, je peux dire sans nostalgie que la rencontre se faisait, on se sentait frères et sœurs avec ou sans les liens du sang.

Imprégnée de cette communion fraternelle et aussi sans doute de pas mal d’utopie et de beaucoup d’idéal, j’en ai rêvé à l’image des premiers chrétiens qu’évoque Luc dans les Actes des apôtres où les croyants « se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières […]. Tous les croyants ensemble mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et en partageaient le prix entre eux tous selon les besoins de chacun » (Ac 2, 42-44). La vie en communauté partagée par les religieux en est un exemple, mais faut-il entrer au couvent pour témoigner de fraternité et de sororité ? Non, la fraternité ne résulte pas seulement d’un choix de vie commune mais du fait de notre baptême qui nous fait enfants d’un même Père. Ce n’est pas rien d’être sœurs et frères en Christ ! Loin d’être seulement un projet de vie, cette fraternité-là se vit au quotidien en posant des actes qui vont parfois à l’encontre de notre liberté. Comment ne pas évoquer en ce moment la vaccination contre le Covid dont le refus de certains expose à la transmission d’un mal dont ils sont épargnés justement parce que la majorité s’est montrée responsable ?

Liberté, égalité, fraternité

Contrairement aux principes de liberté et d’égalité, la fraternité, troisième composante de notre belle devise républicaine, a longtemps été considérée comme une valeur morale. Absente de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, elle n’est apparue dans les textes qu’en novembre 1848, puis dans les Constitutions de 1946 et 1958. C’est le 6 juillet 2018 seulement que le Conseil constitutionnel a reconnu la « valeur constitutionnelle du principe de fraternité » sur le délit de solidarité envers les migrants, mais c’est une belle illustration de fraternité universelle qui vient d’être reconnue par la République en faisant entrer Joséphine Baker au Panthéon !

Que 2022 soit un paradis de fraternité pour chacune et chacun d’entre nous !