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Jr 38, 4-6.8-10
Ps 39 (40)
He 12, 1-4
Lc 12, 49-53

Frères et sœurs,
Chers amis,

Un cantique breton, Gwerz an Itron ar C’heloù Mad, raconte que la première chapelle de Notre-Dame de Bonne Nouvelle, dont c’est le pardon aujourd’hui, a été construite par ordre de Jean IV, le nouveau duc de Basse-Bretagne, après la bataille d’Auray en 1364. On raconte aussi que la Vierge Marie, à qui cette chapelle est dédiée, a fait cesser subitement dans la paroisse de Trébeurden les effets de la peste qui désolait alors la Basse-Bretagne en 1632. Et vous saurez presque tout si je vous dis que le nom de cette chapelle, qui s’appelait au départ Notre-Dame de Kergonan, vient des marins de Paimpol et de leur longs séjours à pêcher la morue du côté de Terre-Neuve.

Le rappel de ces faits nous montre que nous sommes ici dans la tradition séculaire des pardons bretons. Ces pardons remontent à des traditions très anciennes et trouvent leur origines dans les confréries qui divisaient les paroisses en quartiers : chacune se mettait sous la protection d’un saint et lui portait une dévotion particulière. Le cantique que nous allons chanter à la fin et qui porte cette tradition a au moins trente-deux strophes et finit par souhaiter aux fidèles le paradis et leur dire qu’il peut être pour eux une source de grâces et d’indulgences.

On pourrait croire que c’est du folklore, mais non, les pardons sont encore vivants. Ils sont l’expression d’une foi populaire, loin des grands développements théologiques. Il expriment la foi des personnes dans la réalité de leur vie. Les habitants du quartier se devaient aide et assistance au sein de la confrérie : ils se réunissaient une ou deux fois par an pour rétablir leur unité et se donner un pardon mutuel.

Comme chaque dimanche la liturgie nous donne des textes à méditer. Avec ceux d’aujourd’hui, du 20e dimanche du Temps ordinaire que nous venons de lire, on peut se demander quel est le rapport avec le pardon de cette chapelle : l’évangile nous parle de dissensions dans les familles, et la première lecture nous raconte les malheurs du prophète Jérémie enfermé dans une citerne. Ça semble désespérant.

Et pourtant, toute l’année liturgique nous fait parcourir le temps qui précède la naissance de Jésus, l’Avent, jusqu’à la Pentecôte et la fête du Christ, Roi de l’univers. Ce grand parcours nous montre comment Dieu se présente à nous, et comment Jésus a vaincu la mort, nous apportant l’espoir que la mort n’est pas la fin de tout et que ce n’est pas le mal qui triomphera.

Nos ancêtres l’avaient bien compris, eux qui sentaient le besoin de se réunir pour parler entre eux, se faire pardonner leur péché. Peut-être avez-vous vu le beau film de 1987 « Le festin de Babette ». Sans raconter l’histoire, Babette, ancienne cheffe cuisinière à Paris, va réconcilier avec un très bon repas les membres de la petite communauté luthérienne dans laquelle elle a été accueillie, communauté déchirée par les conflits et les rivalités. Le repas va réconcilier les convives avec leur vie et guérir leur regret d’être passés à côté de choses fondamentales. L’un d’eux aura le mot de la fin : « J’ai compris ce soir que tout était possible. » Au moment du café, les tensions sont apaisées et tous se réconcilient. C’est le sens, des pardons, à une moins grande échelle et avec d’autres arguments que ceux de la bonne chère, même si le « friko » (1) est souvent de la partie !

Pour nous aussi, tout est possible. N’oublions jamais que nous avons une « Bonne Nouvelle » à annoncer. La Bonne Nouvelle ! C’est quoi la Bonne Nouvelle ? Que faut-il annoncer et comment ?

Revenons à l’évangile d’aujourd’hui. Il semble desespérant car, nous l’avons entendu, Jésus annonce qu’il y aura des problèmes jusque dans les familles et il fait la liste des disputes entre les personnes. Pour ma part je ne crois pas qu’il faille la prendre au pied de la lettre, mais iul faut que nous réalisions que de témoigner de cette Bonne Nouvelle, c’est-à-dire témoigner que ce que Jésus est venu nous annoncer, ça ne se passera pas tout seul et ça nous fera sortir de notre confort. Dans un autre évangile, Saint Jean a dit « La vérité vous rendra libre » (2). J’écoutais une théologienne ce matin sur la radio RCF et elle disait bien que la pire des choses était le silence et l’indifférence. Elle prenait comme exemple le silence qui a pu entourer, pas partout mais souvent, les affaires d’abus et de crimes dans les communautés et institutions. N’oublions pas notre baptême qui a fait prêtre, pour prier et clébrer, prophète pour annoncer cette Bonne Nouvelle et roi pour servir en vérité nos frères et sœurs.

Je cite une phrase de la Lettre aux Hébreux, la deuxième lecture : « Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement ».

Les pardons avaient, ont encore cette capacité à mettre les gens face à face et aborder les problèmes concrets de leur vie. Le pardon d’aujourd’hui, qui met la Bonne Nouvelle en avant, nous incite à aller plus loin dans notre vie de chrétien.

Cela pourra paraître aller à temps et à contre-temps. Le psaume que nous avons entendu et dont noud avons chanté le refrain nous appelle à ne pas baisser les bras, je cite : « D’un grand espoir / j’espérais le Seigneur, / il s’est penché vers moi pour entendre mon cri. […] je suis pauvre et malheureux / mais le Seigneur pense à moi, / tu es mon secours, mon libérateur, / mon Dieu ne tarde pas ! »

Profitons de cette eucharistie et de ce pardon pour nous rappeler que cette Bonne Nouvelle est là, devant nous et ne demande qu’à être partagée avec nos frères et sœurs.

Amen.

1Repas de fête.

2Jn 8, 32.