Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts … et ils ne l’avaient pas compris… Qu’aurions-nous fait à leur place ? C’est tellement absurde, tellement irréel, tellement fou… qu’ils se mettent à courir, comme des fous justement ! Qu’aurions-nous fait à cette annonce ?
Ô, certes, nous sommes plus de 2000 ans après, et nous connaissons cette histoire par cœur. Rien ne nous surprend plus ! C’était annoncé par l’Ecriture et cela s’est réalisé. Normal !
Et nous à présent, nous attendons que cela se réalise aussi pour nous… La mort, en quelque sorte, devient une formalité, un mauvais moment à passer… Mais penser cela, c’est s’interdire de croire, car la mort n’est jamais une formalité, et elle est notre lot à tous : « Quand on meurt, on est toujours seul » fait dire Ionesco au roi Lear. Mais pas avec le Christ quand on lui tient la main…
Aussi, lorsqu’ils entendent que « le corps du Seigneur a disparu », les deux apôtres pensent d’abord au mort et au tombeau. « Qui a pu faire une telle ignominie ?! » Ils courent sans prendre le temps de respirer, ni de réfléchir d’ailleurs ! Ils sont bouleversés, et bien sûr, le vieux se fait rapidement déborder par le jeune, plein de vie dans la force de son adolescence. Il le laisse partir devant, sans ralentir sa course, sans penser à autre chose que… le tombeau ! Le jeune, lui, peut-être entrevoit-il un rai de lumière dans les profondeurs de son âme… « N’est-ce pas ce qu’il avait dit ? » Mais il n’est pas facile de réfléchir en courant à perdre haleine.
« On ne sait pas où on l’a mis » avait dit Marie-Madeleine. Elle voulait seulement apprêter le corps du Seigneur, le préparer pour son grand voyage. « Marie-Madeleine, où vas-tu matin, portant à la main ton pot de chrysanthèmes ? » disait la chanson… Sans doute ne dormait-elle pas cette nuit-là, aussi s’est-elle rendue tôt au tombeau, « alors qu’il fait encore sombre ». Prise d’effroi, elle s’en va partager la nouvelle aux frères du Seigneur, et à Pierre le premier d’entre eux. « Il saura que faire, lui que Jésus a désigné pour nous guider ». Elle ne sait pas encore que c’est là sa première annonce aux apôtres. Car la seconde sera le fait de Jésus lui-même qui l’envoie : « Va trouver mes frères et dis-leur que je m’en vais auprès de mon Père et votre Père… ». 2000 ans plus tard, un pape nommé François fait de Marie-Madeleine « l’apôtre des apôtres », la première d’entre eux. Car c’est à elle la première que Jésus apparait et c’est elle qu’il envoie : l’étymologie du mot apôtre est ‘envoyé’. L’Eglise a encore du chemin à faire pour accueillir cette nouvelle et en tirer toutes les conséquences !
Le tombeau est vide, et le plus jeune s’arrête et n’entre pas. Il voit de dehors. Arrive Pierre qui entre alors. Il est dit qu’il « voit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. » La précision des détails nous projette dans une foule d’interprétations possibles, pour tenter de comprendre, et même de saisir ce qui s’est passé. Mais ils indiquent en creux que le corps n’a pas été enlevé, car il aurait été plus facile de le porter enveloppé de ses bandelettes…
Avec un groupe d’étudiants, nous avons lu ce texte verset par verset, jusqu’à l’entrée au tombeau. A un moment, Timothée s’est écrié : « C’est incroyable, nous sommes avec eux dans le tombeau ! » Le texte l’avait pris par la main, jusqu’à le saisir pour faire l’expérience sensible du tombeau vide ! Il m’en a parlé souvent depuis ce jour.
« C’est alors qu’entra l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier. » D’habitude, l’évangile de Jean le nomme « celui que Jésus aimait ». Comme pour Marie, la mère de Jésus, on ne connaitrait pas son nom s’il n’y avait eu que l’évangile de Jean : Ce n’est pas ce qui compte aux yeux du rédacteur, mais bien plutôt de nous faire la place parmi les apôtres pour vivre l’événement, le vivre par nous-même à notre tour, par tout notre être. Aussi, ce « disciple que Jésus aime », c’est chacun de nous si nous le voulons bien…
C’est lui qui a couru de toutes ses forces, avec pour seul objectif le tombeau ! Il y est entré et c’est alors qu’il a compris : « Il vit et il crut ! » Qu’est-ce à dire ?
Il faut accepter de plonger dans ses tombeaux intérieurs, tous ses enfermements, pour s’y voir annoncer la résurrection, la vie plus forte
Il faut entrer, comme Jean, dans le tombeau, pour découvrir que la vie en est sortie, que le Christ nous attend dehors !
J’ai vécu ces jours-ci un moment particulièrement fort. J’étais au jardin avec un jeune homme originaire d’Afrique de l’Ouest. Nous buttions les patates en discutant, entrecoupés de longs silences. Il m’a raconté son histoire, l’histoire de sa venue jusqu’en France. Appelons-le Hicham, Hicham le musulman. Hicham a quitté son pays après la mort de sa femme, qui était chrétienne, avec laquelle il avait eu une petite fille. La famille de sa femme l’a alors chassé et a pris la petite. Il a dû fuir s’il ne voulait pas mourir. A un moment, il a levé les yeux vers moi et il m’a dit ceci : « Tu sais, ça ne se voit pas comme ça. Mais à l’intérieur, je suis un mort-vivant » On a continué de buter les patates tout en échangeant. Après avoir rangé les outils, au moment de s’en aller il m’a dit : « Merci pour ce dialogue, car c’est comme si tu m’avais redonné goût à la vie. » Qu’avais-je fait ? Si peu, si ce n’est d’être présent à ses côtés pour l’écouter.
La résurrection n’est pas qu’après la mort. La résurrection n’est pas seulement un événement survenu dans l’histoire il y a 2000 ans. Elle est une énergie qui passe si nous la laissons passer, avec celles et ceux que nous croisons. Elle est une énergie de vie, qui ne peut s’éteindre, ni se laisser enfermer dans nos tombeaux. Elle est un aujourd’hui à vivre, chaque instant de notre existence, tenant la main du Christ qui est Dieu avec nous, chaque jour, jusqu’à la fin du monde !