Paroisse de la Bonne Nouvelle

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« Père, glorifie ton fils, afin que le Fils te glorifie ! »

Homélie du 20 mai 2023 donnée à Saint-Yves

Ce samedi 20 mai, les membres du Collectif ESPOIRS à Lannion (Entraide et Solidarité Pour une Ouverture Inter-Religieuse et Spirituelle) se retrouvaient à l’issue de la messe à l’église Saint Yves. Catholiques, protestants et musulmans, c’était l’occasion de témoigner du chemin fait depuis 7 ans, chemin de fraternité tissée peu à peu, à travers les rencontres thématiques et conviviales. Les membres catholiques du Collectif ESPOIRS ont souhaité inviter leurs amis, occasion aussi de témoigner aux paroissiens de Lannion de cette fraternité simple et forte.

« Père, glorifie ton fils, afin que le Fils te glorifie !"

D’emblée, le texte de Jean nous installe dans la relation d’amour des deux personnes de la Trinité que sont le Père et le Fils. ‘Glorifie ton Fils’… c’est à dire ‘révèle en Lui toute la profondeur de ton existence pour qu’elle brille et se révèle aux yeux de tous !

D’emblée, nous voici installés en présence de la Présence, Dieu dans sa plénitude. Nous pourrions légitimement nous dire que l’évangéliste en fait trop, ou même que Jésus pousse le bouchon un peu loin. Quelle prétention !

Mais il y a la croix. Jésus a payé de sa mort cette affirmation, comme une signature indélébile au bas de la page de son existence. Dans la foi chrétienne, la mort sur la croix de Jésus est la marque de la vérité de son témoignage. Dans l’évangile, la glorification, ce n’est pas autre chose que la mort du Fils sur la croix… et sa conséquence : la résurrection.

« Père, glorifie ton fils, afin que le Fils te glorifie !"

D’emblée, ce texte met le doigt sur l’un des motifs principaux d’incompréhension entre chrétiens et musulmans. Pour un musulman, Jésus n’est pas mort sur la croix. J’ai trouvé dans le Coran cet extrait de la sourate 4, dite ‘des femmes’.  « Or, ils ne l’ont ni tué ni crucifié ; mais ce n’était qu’un faux semblant ! »

Pour un chrétien, la mort de Jésus en croix est le cœur de sa foi, qui témoigne de l’amour du Père pour l’humanité. 

Ce jour où nous accueillons certains de nos amis musulmans, on aurait pu souhaiter texte plus consensuel. Il se trouve qu’à Lannion, depuis sept ans déjà, nous cheminons ensemble et qu’ensemble nous apprenons à mieux devenir amis. 

Il se trouve qu’en marchant ainsi côte à côte, nous apprenons les uns des autres, comme des enseignants mutuels. Nous avons conscience de ne pas appartenir au même fleuve religieux. Mais Dieu nous a placés dans la même réalité à partager, la ville de Lannion et le Trégor, pour y donner témoignage que la fraternité est possible, par-delà nos différences et surtout, en les mettant en dialogue. 

Or, dans la foi, musulmans et chrétiens, nous sommes dans une différence insoluble qu’il ne faut pas chercher à dissoudre. « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez.  » (sourate 49 – les appartements) Comme l’affirme le Coran, ce sont ces différences mises en dialogue qui font de nous les enfants que Dieu souhaite, en faisant d’elles un chemin de rencontres et d’enrichissement.

C’est à la mort du père Hamel que la communauté musulmane de Lannion a pris l’initiative de présenter ses condoléances aux catholiques lors de la messe qui a suivi ce drame. C’était une manière pour eux de briser le cercle de la violence ou de la haine, et ils auraient pu s’arrêter là. Mais à la rentrée suivante, ils ont invité les chrétiens, catholiques et protestants, à se retrouver ensemble à la mosquée pour poursuivre le dialogue. Je me souviens du soir où Pierre, le protestant, est venu pour la première fois frapper à ma porte pour aller ensemble chez les musulmans. Sans doute étions-nous, l’un comme l’autre, tout autant impressionnés par l’événement, sans nous le dire…

 

Pour les chrétiens, le Christ sauve toute l’humanité. Et le texte de Jean le souligne ici :  » Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. » Que faut-il entendre ici ? Dans la foi des chrétiens, le Fils reçoit du Père mission de révéler à l’humanité l’immensité de son amour. Et c’est Lui qui, par son sacrifice, remet toute la création rachetée entre ses mains. Saint Paul l’affirme dans la lettre aux Corinthiens (15, 17) : « Puisque la mort est venue d’un homme (comprenons Adam), c’est par un homme que vient la résurrection des morts. » et un peu plus loin, après avoir fait la liste de tous ceux qui auront part à la résurrection : « Lorsque toutes choses auront été soumises au Christ, alors lui-même, le Fils, se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous. »

 

On ne peut saisir la profondeur du texte de Jean proposé aujourd’hui, sans aller chercher le sens chrétien du sacrifice du Fils. C’est parce qu’il est Fils qu’il peut offrir au Père ce à quoi, par son existence, il s’est indissociablement lié : sa famille, ses amis, ses apôtres, ses disciples, l’Eglise, le Monde, l’humanité et tout l’univers. Voilà ce qu’il faut comprendre en lisant Jean et Paul !

 

Il existe une technique de charpentier qui consiste à tenir unies deux pièces distinctes, pour n’en plus faire qu’une seule, indissociables et inséparables dorénavant. Cela s’appelle ‘trait de Jupiter’. Jésus est le « trait de Jupiter » de Dieu, pour tenir indissociablement unis l’humanité et Dieu. Ne sommes-nous pas ici un « Trait de Jupiter » entre nos différentes traditions religieuses, pour témoigner devant tous que l’humanité a vocation à être unie ?

C’est sans doute le message d’amour que Dieu attend de nous, pour prouver au Monde que c’est possible !