Paroisse de la Bonne Nouvelle

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Homélie du 3ème dimanche de Carême

Je pose une question indiscrète à ceux d’entre vous qui sont ou qui ont été mariés : est-ce que vous vous souvenez du jour et de l’endroit où vous avez rencontré votre conjoint ? Il serait regrettable de l’avoir oublié. Et à ceux qui envisagent de se marier un jour, je donne le conseil suivant : installez-vous près d’un puits et vous verrez.

Si je me réfère à l’Ancien Testament, mon conseil et ma question ne sont pas farfelus. Trois patriarches se sont mariés grâce à un puits : c’est près d’un puits que le serviteur envoyé par Abraham a rencontré la future épouse d’Isaac ; c’est près d’un puits que Jacob et, plus tard, Moïse ont rencontré celle qu’ils  épouseraient. Le puits est donc un élément doublement vital : il donne de l’eau et il peut conduire à des noces, à une alliance. Et si je parle d’alliance, c’est parce que c’est à Sichem, là où Jacob avait creusé un puits qui débordait, que le peuple d’Israël, à la suite de Josué, a affirmé qu’il renonçait aux idoles des peuples de la région et a renouvelé son alliance avec Dieu. Dans l’évangile, Jésus, le nouveau Josué, c’est le même nom, s’est posé justement près de ce puits à Sichem, en Samarie, la terre des mauvais juifs, des anciens idolâtres. Il n’y a pas de coïncidence, pas de hasard : c’est la volonté de Jésus, et donc la volonté du Père, qui est en train de s’accomplir. En quoi la rencontre avec la Samaritaine me concerne-t-elle aujourd’hui ?

 

Je tire de ce passage trois enseignements. Premier enseignement : Jésus m’invite à une rencontre. Une rencontre personnelle avec lui. Croire en Dieu, croire au Christ, ce n’est pas adhérer à quelque chose au-dessus de nous, obéir à des règles, c’est faire cette rencontre, vivre la relation avec lui. Vivre même plus qu’une relation : vivre l’union avec Dieu. L’anneau que je porte au doigt est le signe de mon union avec mon épouse, le signe de notre alliance non pas pour faire seulement un bout de chemin ensemble, mais pour toute la vie. Voilà ce que Jésus me propose : faire alliance avec lui pour toute la vie. Les religieuses portent elles aussi une alliance, elles ont épousé le Christ, pour toute leur vie. Puisque notre époque est sensible aux inégalités et aux discriminations, je suggère que les religieux et les prêtres aussi portent une alliance, signe de leur alliance, de leur union indéfectible avec Dieu. Et aussi tous ceux qui décident de confirmer leur attachement à Dieu, leur volonté de poursuivre la rencontre personnelle en recevant le sacrement de confirmation. Nous sommes unis au Christ, ne le cachons pas.  

Second enseignement : la rencontre avec Jésus me fait vivre dans la vérité. Il est le chemin et la vérité. La Samaritaine vit dans les échecs multiples à l’alliance : elle en est au 6ème homme dans sa vie, elle l’avoue. « Tu dis vrai », lui dit Jésus. Il ne lui fait pas la morale, il ne la condamne pas, pas plus qu’il ne condamnera la femme adultère. Il a simplement fait qu’elle reconnait les insuffisances dans sa vie. De la même façon, Jésus m’invite à être dans la vérité quand je regarde ma vie. Je ne vaux pas mieux que les Samaritains, qui ont adoré un temps des idoles ; j’ai mes idoles, tout ce que je fais passer avant Dieu. Je ne vaux pas mieux que le peuple d’Israël qui râle contre Dieu et se rebelle quand il n’a pas ce qu’il lui faut ; je m’impatiente, je râle quand Dieu ne satisfait pas mes demandes. En ce temps de carême, Jésus m’invite à la vérité : simplement reconnaître mes manques et mes faiblesses. Il ne veut pas juger ni condamner, il est venu pour sauver, pour me sauver. Par exemple dans le sacrement de la réconciliation.

Troisième enseignement : je suis venu avec ma cruche. Je suis là ce dimanche parce que j’ai un tas de choses à demander à Dieu, j’ai des besoins spirituels et aussi matériels, familiaux, à satisfaire. Et c’est lui qui me demande : « Donne-moi à boire. » Ma cruche est vide, je n’ai rien à donner. Si, j’ai quelque chose : toutes mes imperfections, toutes mes idoles et mes insatisfactions. Toute ma vie comme elle est. Voilà ce que Jésus me demande de lui donner. Il ne fait pas la fine bouche : saint Paul nous rappelle qu’il est mort pour nous alors que nous étions pécheurs, que nous ne valions pas grand-chose. La cruche en argile, c’est le symbole du vieil Adam, du vieil homme pécheur. En échange, Jésus me propose la seule chose qui peut me satisfaire pleinement, la seule chose qui peut combler ma soif de bonheur : il veut me donner son Esprit, l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est l’eau qui a coulé de son cœur ouvert sur la Croix, il est l’Esprit de Vie et d’amour de Dieu. Si j’ai l’Amour de Dieu en moi, j’ai sa vie en moi, j’ai tout ce qu’il me faut, je n’ai plus besoin de rien. Alors je peux faire comme la Samaritaine, laisser là ma cruche, le vieil Adam ; avec Jésus, je deviens un homme nouveau. Et je peux chanter de joie comme le psalmiste : « Crions de joie pour le Seigneur, allons jusqu’à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête acclamons-le. »