Au cœur de l’Evangile, en ce dimanche de la Parole, une double dimension est contenue dans les mots de Jésus : « Convertissez-vous, le Royaume de Dieu est tout près de vous ».
Se convertir, c’est parfois reçu comme quelque chose d’ennuyeux. C’est une bonne nouvelle ! C’est une bonne nouvelle de changer, de nous laisser transformer parce que le Royaume de Dieu s’est approché. Le Royaume de Dieu est tout près de nous. L’avez-vous entendu, dans l’Evangile de Saint Matthieu ? C’est à Capharnaüm que Jésus dit cela. « Quel capharnaüm ! », vous connaissez ce mot ? C’est quand votre cuisine, votre atelier ou votre chambre est dans un tel désordre qu’on ne sait pas par où commencer pour retrouver le sens et l’ordre des choses. « Capharnaüm », cela dit aussi de l’état de notre monde, de la souffrance de tous ceux qui peinent près de nous par manque de relation, de ressources, de logement… Ou bien ceux qui souffrent de la guerre avec les conséquences du désordre, du capharnaüm, en Ukraine et dans le monde entier. Ou bien la confusion des idées, des repères… Quand on ne sait plus très bien vers qui se tourner, comment croire ou penser ? C’est aussi le trouble de notre cœur quand il est divisé, fatigué ou vidé d’espérance ; le trouble de leur communauté quand certains se disent de Paul, d’Apollos ou de Pierre. Comment s’y retrouver quand on est catéchumène, quand on prépare son baptême ? Bonne nouvelle ! Le règne de Dieu s’est approché de vous, Jésus le dit à Capharnaüm. C’est-à-dire qu’il vient dans ce qu’il nous semble être compliqué, sans espérance, sans perspective, sans amour peut-être. Il est là, il agit. Il agit de trois manières :
Ce sont ces trois mots que je me suis efforcé de dire en breton au début de la messe.
Je me suis efforcé de m’approcher, d’écouter et d’encourager. Mais ce sont d’abord des actes de Jésus. Il était là au milieu de nous quand nous nous sommes approchés des personnes âgées à l’hôpital. S’approcher, cela veut dire s’abaisser un peu, se mettre à la juste mesure du cœur, des yeux, de l’oreille. S’approcher, c’est par exemple à l’école avec les tout-petits, il faut descendre d’un niveau. C’est le Seigneur aussi qui s’est approché quand il parle avec considération de la Création, des fruits de la Terre, du bon grain, de la moisson. S’approcher aussi dans le travail, oui nous nous sommes approchés dans cette ferme, nous avons été si bien accueillis. Ou à travers le travail important dans les nouvelles technologies et le numérique, sur le plateau de Lannion, avec les préoccupations éthiques, de sécurité, autour de l’intelligence artificielle… En nous approchant, c’est le Seigneur qui s’est approché des associations conscientes, lucides, souffrantes parfois, généreuses que nous avons entendues dans leurs actions.
S’approcher, c’est toujours prendre le temps. Jésus s’arrête pour se mettre à l’écart, prier, relire ce qui s’est passé, révéler l’amour de son Père. Cette figure d’une visite pastorale de l’évêque, je vous la remets d’une certaine manière pour que, vous aussi, vous ne manquiez pas de vous approcher les uns des autres, que vous aimiez que le Seigneur s’approche de vous en vous rendant présent auprès de ceux que vous ne connaissez pas, en allant autant qu’il est possible vers l’autre, en vous visitant d’une paroisse à l’autre.
Le Seigneur Jésus écoute, il ne donne jamais de choses toutes faites. Il dit toujours « Que veux-tu ? Que cherches-tu ? Le voulez-vous ? » A nous de répondre « Oui nous le voulons, Amen ! » Que veux-tu que je fasse pour toi ? Nous nous sommes efforcés, ensemble, d’écouter la Parole de Dieu dans l‘Ecriture Sainte, dans les célébrations que nous avons eu la chance de vivre. Dans la vie ouverte… Ecouter, c’est saisir les lieux favorables que sont nos églises, qui sont ouvertes le plus souvent ici sur notre paroisse. Je suis très reconnaissant. Ecouter, aller vers… Nous l’avons entendu lors de la rencontre avec les personnes responsables de relais. Qu’est-il devenu ? Que devient-il ? Où est-il ? Est-il malade, fatigué, seul ? Ecouter, c’est écouter chaque personne dans sa mission, dans ce qu’elle est, les personnes mariées ou qui se préparent au mariage… Ecouter la part de chacun, écouter avec joie les prêtres, les diacres durant une longue et heureuse rencontre, écouter les baptisés, écouter ce que chacun porte et doit apporter à la vie de toute l’Eglise. C’est cela qu’on appelle la synodalité. Marcher ensemble, nous écouter les uns les autres, nous écouter pour discerner, pour choisir ce que le Seigneur Dieu nous demande et non pas rechercher ce qui n’est plus, ne pas revenir dans la nostalgie. Donnons-nous des petites lumières, des petits signes qui disent « Oui, tu peux y aller ». Que les prêtres, les diacres, les fidèles baptisés puissent s’encourager entre eux.
S’encourager, c’est ce que je me suis efforcé de faire ces quelques jours trop courts. Nous encourager dans la joie d’être baptisé, confirmé, de vivre l’eucharistie. Nous avons une profonde dignité, une profonde vocation qu’il nous faut toujours soutenir et encourager. Vos deux délégués pastoraux m’ont donné le visage de ce que peuvent être les responsabilités nouvelles, mais il y en a bien d’autres dans tous les groupes, services, mouvements d’Eglise auxquels nous appartenons. Être là, veiller à ce que tout se passe bien pour les autres, appeler, accompagner, donner des missions qui ont une durée, qui comportent un terme, ne pas abandonner dans l’incertain des choses belles et précieuses qui ont été confiées. Encourager aussi tous ceux qui se donnent dans les responsabilités d’association, dans la vie publique comme nous avons pu le faire au presbytère de Lannion avec des élus. A chaque fois, je ne manque pas de saluer les efforts que font des municipalités et des habitants pour tenir nos églises belles, entretenues, ouvertes. C’est le Seigneur qui se fait proche, c’est le Seigneur qui nous écoute vraiment, qui écoute chacun dans son cœur, qui nous encourage. Se convertir, c’est l’écouter, le regarder. Mais cela commence et se poursuit aussi par et dans notre prière. Se convertir prend du temps, le temps d’apaiser les premières réactions parfois, les émotions mal maîtrisées, les craintes ou les fatalismes. « On ne peut pas changer cela, on ne fera jamais du neuf, on a toujours fait comme ça… » Nous devons nous préserver de l’optimisme béat mais aussi du pessimisme un peu trop systématique qui grignote froidement l’espérance chrétienne. Nous voulons nous convertir dans l’amour du Seigneur. A cause de cette espérance, les petits ruisseaux de la conversion, de la bonté et du changement finissent par former un grand fleuve de paix qui fertilise, qui fait grandir. Oui, le Seigneur Dieu a besoin de nous. Convertissez-vous car le Royaume de Dieu est tout près de nous. Par-dessus tout, recherchez l’unité, encouragez-vous les uns les autres.
Amen.
Evêque de Saint-Brieuc -Tréguier