Paroisse de la Bonne Nouvelle

« Empare-toi de la vie éternelle ! »

"Tu as reçu le bonheur, et Lazare, le malheur. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance"

Homélie montées scoutes

« Il y avait un homme riche… »

Jésus s’adresse aux pharisiens, ceux qui étaient responsables du temple de Jérusalem et responsables de la religion. Pour nous aujourd’hui, c’étaient surtout ceux qui étaient imbus d’eux-mêmes. Imbus ça veut dire ‘remplis’ : Ils étaient remplis d’eux-mêmes !

Rembrandt, le grand peintre flamand du 16ème siècle, les représentait avec des grands chapeaux, si grands qu’on dirait… des champignons qui recouvrent leurs visages. Jésus s’adresse à eux en racontant une histoire qui est comme un conte.

« Il y avait un homme riche… et devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare »

D’emblée, Jésus pose la différence entre ces 2 hommes : l’un est recouvert de beaux vêtements hors de prix ; l’autre est allongé à même le sol (et le texte grec dit même qu’il ‘avait été jeté là’). L’un mange des festins somptueux (et on pense aux jeunes agneaux et aux veaux les plus tendres du texte d’Amos), l’autre se fait lécher ses plaies par des chiens, comme s’il n’y avait plus que les chiens qui prennent soin de lui. La présentation qui est faite de ces deux hommes dans le détail nous montre déjà le gouffre qui les sépare !

Je voudrais tout de suite vous poser une question : Quel est ce gouffre ? D’après vous, qu’est-ce qui en est la cause ?

La 2ème partie du texte est troublante. « Mon enfant, rappelle-toi ! Tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare le malheur. Maintenant il trouve la consolation et toi… la souffrance ! »

Faudrait-il être malheureux dans ce monde pour vivre heureux au Ciel ? On dirait bien quand on écoute Abraham, et si c’est vrai, alors c’est choquant !

Alors, j'ai pensé au chien...

Vous voyez ce chien qui vient lécher les plaies de Lazare… C’est le seul finalement qui lui fasse du bien. Il est à son niveau, près du sol ; il le soulage en léchant ses plaies (et j’ai même lu que la salive du chien était bénéfique, mais à l’époque on ne le savait pas) ; Il le regarde et le plaint… et l’on peut imaginer l’homme le caressant, comme si c’était là la seule relation qu’il avait avec le monde extérieur…

Jésus nous dit peut-être, à travers le chien, qu’il faut savoir s’approcher au plus près de celui qui est au bout de sa vie, celui qui n’a plus rien, celui qui n’est plus rien… Prendre le chien comme exemple pour se faire proche, jusqu’à toucher. L’ancien dans son EPHAD que personne ne visite plus ; le réfugié isolé auquel le pays d’accueil refuse les papiers ; le copain qui s’isole dans la classe parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans sa vie, dans sa famille… On aurait tous ici des exemples à partager…

 

Il y a une autre voie pour le bonheur.

Vous connaissez Baudelaire, poète du 19ème, puissant et tragique. Il a dit ceci :

Il faut être toujours ivre.
Tout est là : c’est l’unique question.
Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre,
il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ?
De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise.

Mais enivrez-vous !

S’enivrer ! Je ne suis pas sûr que se déchirer le crâne en faisant la fête trop souvent soit un chemin de bonheur. Et même, je suis sûr du contraire si on ne peut plus s’en empêcher… mais l’ivresse, ici, c’est autre chose !

C’est nourrir la vie là où elle semble s’éteindre ; c’est retrouver la saveur de ce qui perd son goût ; c’est renouer des liens là où ils sont distendus … La poésie, la culture, l’art, la musique, la philosophie nourrissent l’existence, on le sait bien !

Et il y a la vertu !… Cette capacité qu’ont les humains à sortir d’eux-mêmes pour aller au-devant de ceux qui ont besoin, et même, pour s’envisager à leur place et se laisser toucher… comme le chien ! Baudelaire envisage que la vertu puisse énivrer au point de donner sens à une vie !

« Empare-toi de la vie éternelle ! » Etonnant de devoir s’emparer de quelque chose qui nous est donné ! Dans cette formule un peu étrange, Paul appelle à choisir le beau combat ! Et pas le bon comme le dit la traduction française. Ce n’est pas d’abord une question morale, ce qui est bien et ce qui ne l’est pas !

C’est une question existentielle = Par amour ! Comme Jésus !

Alors, question : Choisiras-tu la vie ?