Paroisse de la Bonne Nouvelle

Qui sont mes frères ?

En novembre 2020, le bulletin traitait déjà de fraternité comme celui de ce mois-ci. Il faut croire que c’est un sujet qui tient à cœur à l’Équipe d’Animation Paroissiale en cette période où nous sommes contraints à la distanciation et privés des gestes habituels propres à toute relation humaine.

Il m’arrive souvent, du plus loin que je me souvienne comme chante Barbara, de découper des articles de journaux. Je les classe dans une pochette et les relis quand je suis en mal d’inspiration pour écrire mon article mensuel comme c’est le cas ce mois-ci.

Qu’allais-je donc encore écrire sur la fraternité ? Évoquer Caïn et Abel les frères ennemis de la Bible sous le titre « Qu’as-tu fait de ton frère ? » Las ! À part le titre je n’ai accouché que d’un texte creux et moralisateur. Faire allusion à la fraternité républicaine et à la Déclaration des Droits de l’homme ? Citer cette personne qui m’a touchée lors d’une célébration d’obsèques récente alors qu’elle ravivait le souvenir ému de celle qu’elle appelait « sa sœur de cœur » ? Beau sujet certes pour quelqu’un qui n’a eu de sœurs que celles de cœur, mais non, trop intime. Là encore l’inspiration m’a quittée.

Allais-je céder au syndrome de la page blanche et laisser mon imagination me faire faux bond ? Impossible ! La date fatidique de la remise des articles approchait, l’angoisse me tenaillait, alors… n’y tenant plus, j’ai cédé à l’ouverture de ma pochette-surprise d’articles découpés et, laissant de côté fraternité d’appartenance et solidarité, je me suis tournée comme le demande le pape François dans sa dernière encyclique Fratelli Tutti, vers une fraternité ouverte et universelle loin d’être abstraite.

Sont-ils mes frères et sœurs ces 1400 enfants et leurs parents qui ont dormi dans la rue en France la veille de la rentrée scolaire 2020 ? (Ouest-France du 17/09/2020) Sont-ils mes frères et sœurs ces enfants humiliés, maltraités, harcelés, violés et abîmés pour la vie ? Sont-ils mes frères et sœurs ces 4000 enfants exploités dans les mines de cobalt du Congo pour fabriquer les batteries lithium-ion de mon smartphone et de mon ordinateur portable ? (Ouest-France du 14/09/2020) Sont-elles mes sœurs ces femmes battues devant leurs enfants ?
Sont-ils mes frères et sœurs ces victimes de la barbarie du terrorisme et de l’intégrisme, et ces migrants obligés de les fuir ?

Sont-ils mes frères et sœurs ces chrétiens d’Amazonie qui ne communient qu’une fois par an et ceux qui manifestent en France pour réclamer leur messe en période de pandémie ?
Sont-ils mes frères et sœurs ces professeurs assassinés pour oser la liberté d’expression ? Liberté, égalité, fraternité… La liberté d’expression rejoint le devoir de fraternité et, quand Geneviève Jurgensen dans sa chronique du lundi dans La Croix du 2 novembre s’exprime sur la « laïcité de la concorde sociale », elle n’est pas loin de « l’amitié sociale » citée par le pape à propos de la fraternité.

Sont-ils mes frères et sœurs ces membres de l’armée des ombres comme les nomme Mona Ozouf dans Ouest-France du 1^er août 2020, ces personnes jusqu’ici méconnues qui ont continué à nous approvisionner, à nous soigner, à nous nourrir ? Pendant cette pandémie, ils nous font prendre conscience dit-elle, de notre dette et d’une solidarité à retrouver et à inventer.

Tant d’autres encore pourraient sortir de ma pochette pour ne pas sombrer dans l’oubli… Mais plus près de nous, sont-ils mes frères et sœurs ceux qui vont participer à l’amitié sociale proposée par la paroisse à travers la démarche de « Fraternité Carême 2021 » ? « Qui sont mes frères » ? demande Jésus en Mt 12, 48. La réponse est donnée plus loin en Mt 25, 40 : Ils sont ceux par qui le Christ vient à notre rencontre, parce que « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Alors, pour parodier Laurent Gryzbowski, sur un air d’an-dro ne prenons pas seulement le large avec Jésus, mais prenons le risque de le rencontrer ! :
https://www.youtube.com/watch?v=tUs…

Marie-Anne Giron-le Bail

Formatrice diplômée en liturgie et études bibliques