Devant ma page blanche, l’inspiration tarde à venir pour le conte de Noël promis au comité de rédaction du bulletin paroissial.
Comment en effet parler de paix, de justice et d’espérance en ces temps si troublés ? Comment écrire un texte sur la Nativité alors que des enfants meurent sous les coups des fusils et des bombes, sont bafoués par des adultes criminels, harcelés ou noyés avec leurs parents en tentant de fuir un pays invivable, et que tant d’autres dorment encore dans la rue ! Comment évoquer les joies de retrouvailles familiales alors que des familles ont tout perdu dans des catastrophes écologiques, et que tant de personnes sont si seules ? Comment parler d’amour alors que des fraternités se brisent à cause de mots qui font mal ? Oui, les idées me manquent pour rédiger un beau conte de Noël, et la page reste blanche…
Et pourtant, Noël n’est-ce pas la fête de la foi en l’impossible ? Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière proclame le prophète Isaïe (Is 9, 1). La lumière, ah ! si elle pouvait surgir des ténèbres de ma page illuminée de blanc !
Mais voilà que soudain mes yeux se posent sur un caillou qui me sert de presse-papier depuis quelques années, un caillou mal taillé semblant venir de carrières angevines. Pourquoi l’ai-je gardé ? Il y a de si beaux galets au pays du granit ! D’où vient-il ? Mais oui, je me souviens, il accompagnait une remise de diplôme après une assez longue formation, et était censé évoquer les cailloux de la lapidation prévue pour cette femme adultère dont parle Jean dans son évangile (Jn 8, 11).
Mais quel rapport avec Noël ? Non,ce n’est pas encore ce caillou qui va m’aider ! Ma curiosité s’accentue et je remarque des traces rouges délavées écrites maladroitement sur l’angevin caillou… Ah ! je me souviens, si je l’ai gardé c’est parce que ce qui était inscrit dessus m’avait autant déçue qu’intriguée : « HUMILITÉ et DÉPOUILLEMENT » en lettre capitales rouges. Qui donc a osé au sortir d’une formation qui met plutôt les gens en valeur, m’offrir ces souhaits ? Pourquoi ce caillou prend-t-il autant d’importance pour moi aujourd’hui ?
Sans réfléchir, je ressors mon crayon rouge et redonne vie en m’appliquant, aux deux mots qui lui sont liés : HUMILITÉ et DÉPOUILLEMENT… Et tandis que j’écris, une lumière, que dis-je, une guirlande, clignote sur mon sapin intérieur. Mais au fait, n’est-ce pas ça Noël ? Redonner vie à l’humilité et au dépouillement ? Un conte de Noël est en train de s’écrire en deux mots, ceux qui mènent sur le chemin de Bethléem un homme et une femme qui va donner la vie, des migrants épuisés venant chercher chez nous une vie meilleure, des victimes innocentes à qui on commence à dire que leur vie a du prix, des frères qui changent les flèches blessantes de leur mots en pardons, des victimes dépouillées qu’on héberge et rassure, un cœur de riche et un puissant d’orgueil se mettant humblement à genou.
Un ange est passé, discret comme ils le sont tous ; un caillou devenu étoile a parlé, il m’a dit qu’un cœur de pierre peut devenir un cœur de chair. Dans l’humilité et le dépouillement d’une crèche, un enfant est né pour que toute l’humanité vive en vérité d’un amour vécu et donné : quel cadeau !
Noël, l’impossible devient possible : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle ! » (Lc 2, 10)