29/11/2020 Homélie
Frères et sœurs, vous le savez, avec ce premier dimanche de l’Avent, nous commençons une nouvelle année liturgique (B). Et au début de l’année, Il est de tradition de faire des vœux. Alors, avant d’aller plus loin, je vous souhaite une bonne année … liturgique !
Mais quelle est la valeur de ce souhait ? C’est un peu comme au 1er janvier : je vous avoue qu’à chaque nouvelle année, je me sens de plus en plus hésitant pour faire des vœux. Bien sûr je vous souhaite tout le bonheur du monde, la santé, la joie … ! Bien sûr je souhaite que la paix gagne du terrain, que la pauvreté diminue, que les hommes prennent soin de la maison commune, que le monde ait un autre dieu que celui de l’argent, du profit et du rendement !
Bien sûr je souhaite que mon Eglise se purifie, qu’elle se recentre sur sa mission première qui est d’annoncer la Bonne Nouvelle au monde et qu’elle permette aux hommes qui le désirent de vivre avec Lui, de Lui et en Lui.
J’ai tant de souhaits à formuler ! Mais que veulent dire ces souhaits dont je ne maitrise pas la réalisation ? D’ailleurs, Si, je regarde dans le rétroviseur, l’année qui vient de s’écouler contient tant d’évènements dont certains n’avaient été ni prévus ni souhaités :
le Brexit, le coronavirus et ses conséquences économiques et sociales, des attentats terroristes, les décisions incohérentes de Mr Trump, les dictatures qui résistent, la tension grandissante entre Hongkong et Pékin, l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabagh, les Ouïghours, l’Ethiopie, l’Erythrée, les souffrances au Liban, de nouvelles crises dans l’église,
Et sur un plan plus personnel, chacun de nous a vécu de bonnes nouvelles comme l’annonce d’une naissance, ou un succès, bien sûr, mais aussi peut-être, des deuils, un licenciement, des problèmes de santé, des échecs, … Tous ces évènements nous font sentir que nous ne maitrisons pas le temps.
L’évangile d’aujourd’hui nous donne des clés importantes pour vivre avec cette réalité.
Je pense à Pierre, Jacques, Jean et André qui demandaient à Jésus quand arriverait la fin des temps, et Jésus leur répond (c’est dans le passage qui précède l’évangile d’aujourd’hui): « on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire…. Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père » Mc 13,26.32.
Au fond, vivre l’Avent, c’est vivre un certain rapport au temps, que ce soit dans cette période qui précède Noël, ou de façon plus générale, dans la vie qui précède non pas ma mort, mais « mon entrée dans la vie » comme disait la petite Thérèse de Lisieux.
Quelle est notre manière d’envisager ce rapport avec le temps ? Ainsi, comment allons-nous vivre ce temps vers Noël ? Serait-ce un temps de préparation d’un simple anniversaire ? d’une commémoration ? mais alors, que vivrons nous à partir du 26 décembre ? Ou, ce temps serait-il une invitation à retrouver le sens de notre vie ?
Si jésus ne connait ni l’heure, ni le jour, à plus forte raison nous non plus. Acceptons d’être comme « l’argile dans la main du potier ».
En attendant Jésus nous laisse au moins trois consignes :
Le mot revient 4 fois dans ce court passage ! Jésus insiste même pour que nous soyons sur nos garde, jour après jour. En effet, la tentation est permanente de lâcher la main de Dieu soit par attrait des seules activités du monde, soit par lassitude de notre pratique religieuse. Quand tout va bien, il peut nous arriver de ne plus avoir besoin de Dieu ! Le danger peut être aussi le ronron de nos habitudes, (« d’ailleurs, on a toujours fait comme ça ! ») et le risque, c’est de s’endormir ! si nous ne sommes pas sur nos gardes, il peut nous arriver de ne plus discerner entre l’essentiel et le superflu. Ne nous laissons pas surprendre comme les disciples qui s’endorment à Gethsémani, comme Pierre qui trahit Jésus avant même que le coq n’ait chanté trois fois, …
Quel cadeau ! quelle merveille que ce Dieu qui ne peut se passer de nous. Il a besoin de nous. Voilà que le maître de la maison nous donne la mission de la garder (de garder la maison commune, comme dit le pape François !). Il faut quand même avoir confiance !
Deux choses me frappent aujourd’hui : il a fixé à chacun son travail. Quel est mon travail, ma mission propre ? Comment est-ce que j’y réponds, dans ma vie de tous les jours, dans ma vie de chrétien, dans ma vie de paroissien ?
Le deuxième point marquant, c’est que Jésus s’adresse « à Tous » !
Est-ce qu’il n’y a que Mr le curé qui soit chargé de la vie de notre paroisse ? Ne sommes-nous nous pas tous baptisés, membre de l’Eglise ?
Ce qui fait la première caractéristique des chrétiens, c’est l’attente : Quand St Paul écrit aux chrétiens de Corinthe il dit : « Vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus-Christ » (c’est la deuxième lecture).
Et Isaïe, dans la première lecture, s’émerveille des fruits de cette attente : « Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï dire, nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend. » Is 64,03
Nous même, nous exprimons notre attente à chaque eucharistie lorsque nous disons dans le credo : « il est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant d’où il viendra juger les vivants et les morts », puis dans l’anamnèse « nous attendons ta venue dans la gloire », ou encore dans le Notre Père « Que ton règne vienne ».
Mais peut-être n’attendons-nous plus vraiment le retour du Christ. C’est tellement loin ! ça fait 2000 ans qu’on l’attend ! Que valent ces paroles prononcées à la messe peut-être un peu trop machinalement » ?
Jésus lui-même exprime cette inquiétude : « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Lc 18,8b
Oui, les chrétiens ne sont pas tournés vers le passé mais vers l’avenir, dans l’espérance.
La première lecture nous donne plusieurs raisons d’espérer :
Ce mot, qui se trouve au début et à la fin de cette première lecture, était déjà prononcé il y a 2500 ans par Isaïe ! Et Jésus le redira sans cesse : Dieu est Père. Or, « Quel père parmi vous, dira-t-il un jour, si son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu de poisson ? … Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit saint à ceux qui le lui demandent » Lc 11,11-13.
Ainsi, si Jésus insiste si fort pour que nous soyons sur nos gardes, ce n’est pas pour que nous vivions dans la peur. Il veut « que nous ayons la force de nous tenir debout devant le fils de Dieu quand il reviendra » ; ( c’était la fin de l’évangile de ce samedi Lc 21,36)
Il est fidèle, lui. Il nous a créés libres or le peuple de Dieu n’a pas arrêté d’être infidèle (et il a payé cher ses errances). Mais, toujours, Dieu a rétabli son alliance jusqu’à prendre les grands moyens : il nous a donné son Fils qui s’est fait homme pour nous libérer ; c’est ce que nous fêtons à Noël. Que d’Amour ! Ça ne peut venir que d’un Dieu qui est Père. Oui, Dieu est notre potier. Nous sommes dans la main de Dieu !
Aussi St Jean nous invite-t-il à la confiance :
Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. 1Jn 3,02
Souvenez vous de cette affirmation de Jésus à Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Jn 20,29. Pour moi, cette béatitude est le plus beau cadeau de noël !
-Alors, soyons comme des enfants qui, le matin de noël, piaffent d’impatience en attendant d’avoir le droit de se précipiter au pied du sapin pour ouvrir leurs cadeaux.
-Soyons comme Marie qui vient d’apprendre la bonne nouvelle. Elle, elle connaît l’échéance ! Pourtant, elle ne sait rien d’autre. Elle a simplement demandé « comment cela pourra-t-il se faire ? », puis elle a dit : « oui ! ».
Comme jésus, je ne connais ni l’heure, ni le jour. Alors je m’abandonne à toi, Père, comme l’argile dans la main du potier. Tu nous laisses gérer ta maison. Donne-nous de ne pas dormir mais d’embellir cette maison, comme lorsque l’on attend un invité très cher. Seigneur, nous t’attendons.
C’est sûr : « le Seigneur reviendra, il l’a promis » !
Diacre